MUSIQUE

Rencontre avec Albert Hammond Jr. : « Il faut être excité à l’idée de ne pas toujours réussir, mais quand tu réussis, tu le sais »

Ayant sorti son 3e album studio en juillet dernier, Albert Hammond Jr. ne cesse faire parler de lui. Le guitariste des Strokes venait défendre son petit bijou, Momentary Masters, au Trabendo à Paris le 29 novembre. C’est dans les loges que nous rencontrons Albert, dans un cadre intimiste.

Récemment, tu as sorti ton 3e album, Momentary Masters, où chaque chanson est différente l’une de l’autre, et ce que j’aimerai savoir, c’est quelles sont les influences sur cet album ?

Quand je m’y suis mis, c’est pas comme si j’écoutais un album en particulier, mais il y avait quelques groupes il y a quelques années, qui m’ont boostés, Wipers, Wire, Stevie Moore, Misfits, Adam and the Ant, il y avait une sorte d’excitation que tu trouves quand tu as 15 ans avec ces groupes là, moi je l’ai trouvée quand j’avais 31 ou 32 ans, je ne voulais pas que ma musique ressemble à la leur, mais je voulais cette excitation, après j’ai fait mon EP, où là il y avait l’excitation, et après pendant la tournée on a formé un groupe, et ce groupe a été la plus grosse influence pour moi à ce jour. Toutes ces idées que j’avais que je pouvais mettre dans une chanson, et bien ils ont fait la même chose, mais en mieux, ce qui m’a forcé à faire mieux, toute cette influence s’est déroulée très rapidement, comme un match de tennis, un va-et-vient, donc c’était pas vraiment le fait d’écouter une chanson et vouloir faire la même chose.

Pourquoi as-tu décidé de seulement sortir un EP en 2013, laissant un espace de 7 ans entre 2 albums ?

J’ai sorti 2 albums des Strokes et je suis allé en cure de désintox entre temps, donc c’est pas comme si c’était voulu, c’était le seul moment où j’avais le temps de composer. J’ai commencé à écrire une chanson, je savais pas ce que le groupe allait faire, je pensais qu’on irait en tournée, et finalement non et je me suis retrouvé avec 5 chansons, je me suis dit « je vais sortir ça ». Après, en faisant la tournée de cet EP, je savais que je voulais faire un nouvel album, parce qu’un EP n’attire pas autant d’attention qu’un album.

Pourquoi as tu repris Don’t Think Twice de Bob Dylan au milieu de ton album ? Est-ce que cette chanson a une importance pour toi ?

Non même pas, c’est rigolo parce que mes amis tiennent un festival, le Dylan fest, ou le Petty fest, et ils en faisaient un à Dublin, ils m’ont donné une chanson à choisir parmi huit pour la jouer. Donc j’ai choisi celle là, j’ai fait une démo à ma façon, et quand je suis rentré chez moi, j’ai tellement aimé la démo que je l’ai finie, c’était encore pendant la tournée du EP, et je trouvais que ça rentrait parfaitement au milieu de l’album.

J’aimerai parler de ton évolution musicale, de Yours to Keep à Momentary Masters, qui part d’une composition calme à une composition plus brutale, on peut entendre que tu veux te démarquer musicalement des Strokes, tu montres que c’est ton projet à toi, avec ton propre son, qui donc s’améliore petit à petit, est-ce que tu sens qu’avec cet album tu as atteint le son que tu voulais, ou te vois tu expérimenter un peu plus avec ta musique ?

Je ne dirai jamais que je n’essaierai rien de nouveau, ça arrive naturellement. Notre guitariste joue du saxophone, et j’aimerai bien voir si on pourrait caler ça dans mes futurs sons, mais j’aime beaucoup la batterie, guitare, basse, parce qu’après faut quand même aller jouer sur scène, maintenant on fait du groove au milieu des chansons, on s’amuse dessus, j’aime pas laisser traîner les chansons jusqu’à 8 minutes, c’est pas mon truc, je préfère m’amuser plutôt au milieu de la chanson, ça donne une pause à ton oreille. J’ai toujours senti que j’avais mon propre son, quand on compare ma musique à celle des Strokes, au final je suis bien un cinquième de ce groupe, donc j’aurai toujours cette influence, mais je l’ai toujours pris comme un compliment parce que j’ai toujours trouvé a un bon son. Sinon oui, mes chansons sont de plus en plus brutales, les anciennes sont toujours aussi cools, elles ont été écrites avec une guitare rythmique, alors que maintenant tout se fait bout par bout, on rajoute des mélodies par ci par là, mais je me dis que si j’étais toujours au même stade qu’au premier album, je serais dégoûté, mais c’est bien parce que je ne pourrai plus jamais être à ce stade là.

Est-ce que composer avec les Strokes a influencé tes albums ? Et comment ?

Rien que le fait d’être dans ce groupe, a influencé tellement de choses dans ma vie, parce que tous les gens autour de moi ont beaucoup de talent, quand tu traînes avec des gens tu vas forcément apprendre de nouvelles choses, tu apprends comment être dans un groupe, à jouer de la musique…

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Es-tu satisfait de tes premiers albums, ou si tu pouvais changer quelque chose, ce serait quoi ?

Mon deuxième album comporte pour moi de très bonnes chansons, mais je l’ai fait quand je n’étais pas bien, donc au final j’ai pas pu lui donner assez de temps, je sens que j’aurai pu faire quelque chose de meilleur avec cet album. C’est triste mais c’est pour ça que j’aime aller en tournée puis enregistrer. Ce deuxième album est à l’issue du premier, j’en avais marre que les gens me voient comme le gars avec une guitare acoustique, parce que si tu voyais les concerts du premier album, c’était très lourd, fort et amusant mais le deuxième album est un peu contre ça, et c’est pour ça que c’est intéressant de savoir ce que je vais faire par la suite, après cet album là. Je n’ai rien à lui reprocher mais j’aimerai bien savoir où ça va me mener, j’aime bien la transition sur scène/chez toi, parce que si t’es chez toi trop longtemps, tu ne peux pas donner toutes tes émotions, tu dois les prendre et les retranscrire afin que le public l’accepte, enfin moi je vois ça comme ça. Ce qui rend tout ça entraînant, intéressant… Sauf si t’es très bon et tout se fait naturellement mais moi j’ai encore beaucoup de travail à faire là dessus. [rires]

Comment composes-tu en studio ? Tu as des musiciens additionnels avec toi ?

Pour Momentary Masters, j’ai composé avec mon groupe que j’ai sur scène, on a tous composé pendant 3 semaines, ensuite pendant 2 semaines j’ai fait les paroles et les mélodies. L’EP c’était juste Gus et moi, sinon pour les 2 premiers albums, j’invitais des amis à composer avec moi, mon ami Matt à la batterie, puis Gus aussi, comme ça je n’avais pas tout à faire moi même… [rires]. Maintenant c’est différent, avec le groupe, ils me laissent plus d’espace, ils peuvent changer mon travail et le rendre meilleur, ou donner de nouvelles idées qui vont améliorer la chanson, ce qui est génial… alors que quand tu le fais tout seul, tu dois le refaire à plusieurs reprises, tu perds en perspective, alors que quand quelqu’un le reprend, il ajoute à la chanson, quelque chose à quoi tu n’avais pas forcément pensé, c’est génial parce que ta chanson a un nouveau sens, ça se fait direct, pas 3 mois plus tard quand tu réalises que tu dois changer ceci ou cela, c’est super.

Parfait, ça rejoint ma prochaine question, quel est le moment le plus intéressant quand tu composes, maintenant que tu as une certaine liberté en studio ?

Il y a des hauts et des bas, c’est comme quand tu atteints un sommet, ça veut dire que ça va rendre quelque chose d’autre moins bien, et tu auras à le réparer mais ça marche très bien pour moi, il faut être excité à l’idée de ne pas toujours réussir, mais quand tu réussis, tu le sais.

Ça fait quoi de jouer avec The Strokes et ton groupe à la fois ? Car vous avez fait les mêmes festivals, dont un où tu as joué avec les 2 le même jour.

C’est très facile de jouer avec The Strokes, car tu as tes fans qui sont là pour toi, alors que moi j’essaye d’impressionner les gens… Mais bon, ce sont deux groupes de rock, je suppose que je fais le changement assez facilement, c’est pareil et différent à la fois… mes concerts sont plus amusants. [rires]

Vraiment ? Parce que c’est ton projet ?

Pas forcément, c’est parce qu’on est plus connectés.

Ah oui, et puis c’est nouveau aussi.

Oui exactement.

Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?

Je viens de télécharger une chanson de Buddy Guy, on écoutait ça sur la route, je sais pas, de tout, The Velvet Underground, Nick Drake…

Et pour finir, qu’en penses-tu du public français, comparé au public américain ?

Ça dépend toujours d’où tu vas, mais j’ai joué à Tourcoing et Nantes récemment, et c’était génial, une super ambiance, tu peux tenter de nouveaux trucs et tu vois qu’ils aiment ça, je sais pas comment le décrire… quand tu es sur scène il y a pleins de choses à prendre en compte, ce que tu écoutes, où tu es mentalement, ça peut tout changer. Tout le monde est pareil, mais différent à la fois, si tu vois ce que je veux dire.

As-tu un message pour tes fans français ?

Oui ! J’espère un jour tourner en France, faire 8 ou 10 dates, pas juste Paris. C’est la première fois que je joue en dehors de Paris, et c’était génial. J’adore la France, en fait je veux juste voyager, faire le tour de la France rien que pour m’amuser. [rires]

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