Après une belle carrière musicale, deux albums dont un disque de platine et une apparition sur le petit écran avec la mini-série Bloqués sur Canal+, Orelsan poursuit son cycle de création avec son premier long-métrage Comment c’est loin. Épaulé par une solide équipe dirigée par Christophe Offenstein, Orelsan offre un premier film percutant et plein d’esprit, partant de situations qu’il connaît bien, mais s’éloignant de toute forme d’egotrip.
Aucun acteur véritablement confirmé ne participe au film. Leur bande de potes pleins de charisme (Skread, Ablaye, Claude …) et la famille jouent les quelques personnages que l’on croise dans le film : les potes, la famille, les copines. En guest star, on a même le droit à la présence de la véritable grand-mère d’Orelsan dans une scène du film, offrant un passage d’une grande authenticité (normande) et d’une sincérité où l’Orelsan du film et celui de la vie de tous les jours se confondent, avec tendresse. Les lacunes qui peuvent transparaître dans un jeu amateur s’effacent dans ce film, où l’amateurisme nous offre finalement des personnages authentiques dotés d’un savoureux naturel.
24 h pour se débloquer
À l’écran, au côté de son acolyte Gringe, Orelsan propose une comédie au ton parfois grave, où le drame et l’humour se côtoient sans cesse. En mal d’inspiration, deux amis caennais Orelsan et Gringe ont 24 heures pour écrire un morceau de rap, sous la pression de leurs producteurs Skread et Ablaye. “Pas de single, pas d’radio, pas d’radio pas d’vente d’album, pas d’vente d’album pas d’SACEM, pas d’SACEM pas d’oseille.” Au gré des heures qui défilent, le fil conducteur et les thématiques de leur premier album Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters se retrouvent, confirmant l’apparence de bande originale de cet album. Le film débute ainsi avec une tentative de tournage de Stupide ! Stupide ! Stupide, on retrouve le débat sur la prostitution du morceau Les putes et moi, l’attente de Deux connards dans un abribus etc. Le film et l’album affichent ainsi une complémentarité nécessaire.
Dans les dialogues, on retrouve le même concept, l’humour noir et le langage singulier présents sur leur premier album. les vingt-quatre heures du quotidien de ces deux antihéros attachants défilant à l’écran, ce sont celles de cet album au ton si singulier. Leurs vieux démons, la peur de l’échec, l’errance, la procrastination, les amis envahissants, la quête des sandwich en triangle, l’impossibilité de se projeter dans l’avenir et les soucis de couple défilent. “A nos histoires mortes avant d’avoir démarré, aux heures laissées passées, aux potes jamais rappelés, au job que j’ai lâché, aux portes que j’ai claquées“. Tout ce film tourne autour de l’inachevé, de ce sentiment d’incapacité de terminer quelque chose (sauf une bonne vanne). La force du format long-métrage est de pouvoir dépeindre un portrait abouti de leur génération, cette génération qui trouve en la procrastination une sortie de secours. Ce film générationnel dresse avec humour la liste les problème d’une génération écrasée par la misère sociale, d’une jeunesse désillusionnée. Mais l’humour est toujours là, dans chaque scène, pour dédramatiser le dramatisable, pour redorer leurs faiblesses, pour se raccrocher à quelque chose, comme la musique.
Une comédie semi-musicale
Si la musique ne semble être qu’un décor de fond, elle est pourtant au cœur du film, faisant de Comment c’est loin une “comédie semi-musicale”. La musique est présente pour donner un véritable rythme au film, aux mésaventures des deux personnages. Sans jamais être trop longue, elle est pourtant un véritable apport dans la narration, servant à quelques moments de parenthèse entre deux scènes ou remplaçant parfois même les dialogues, comme lorsque Orelsan, ivre, se fait raccompagner par son père en voiture (Quand ton père t’engueule). La musique, ce sont les non-dits, les dialogues qui n’éclosent pas, mais qui finalement, en étant dévoilés, apportent toujours de la consistance au film, à l’histoire, aux échanges entre les personnages. Sur cette bande originale qui sortira le même jour que le film, le 9 décembre, on retrouve nos deux rappeurs, mais aussi la légende Akhenaton et Wiley.
“D’t’façon j’habite à Caen, j’entends que la pluie battante”
Derrière Orelsan et Gringe, il y a toujours Caen. Ses bars, ses rues, ses arrêts de bus, ses hôtels, ses V’eol. Caen, c’était un choix évident pour Orelsan. “C’est là où l’on a tous habité, où l’on s’est rencontrés”. Mais derrière ce choix évident de la Normandie, l’équipe du film explique que c’était aussi pour prendre l’exemple d’une ville moyenne de province, comme ça aurait pu en être une autre. “Des villes trop grandes pour être “rurales” mais trop petites pour qu’il s’y passe vraiment quelque chose”. Au fur et à mesure que le film se déroule, la belle Caen devient progressivement un personnage à part entière, pouvant à tout moment changer le cours de l’histoire. Ses carrefours, ses boutiques, son rythme de vie et ses horaires de bus et de commerce : tout peut changer le cours de l’histoire, les aventures de nos deux antihéros qui vivent au rythme de Caen. La ville joue progressivement son rôle de vitrine de l’errance des deux procrastinateurs attachants, de leur improductivité latente. Jusqu’à ce que Caen déclenche la productivité …