ART

Je suis étudiant(e) en art

Depuis peu de temps, vous avez peut-être vu bon nombre de gens arborant un sac en toile avec écrit dessus ”JE SUIS ÉTUDIANT EN ART”. Que signifie réellement ce message, et pourquoi pose-t-il problème ?

Outre le fait que plus de la moitié des étudiants en art soient des femmes, cet accessoire renvoie une image fantasmée de l’artiste et de ses études, en le présentant comme une mode, ou pire même comme un accessoire de mode.

Une image erronée

Même si la phrase peut sembler être valorisante pour les étudiants en art, il donne une image cool de ces études, de cette pratique, qui dans l’imaginaire commun, se résume à dessiner, avoir les mains dans la peinture et fumer des joints. La réalité est bien loin. Même si les études que nous faisons peuvent sembler plus agréables, parce qu’elles nous offrent, d’un certain côté, une plus grande liberté, et représentent moins de cours magistraux, le travail n’est pas juste cool. Au contraire, il demande un investissement total. L’image que l’on a des études d’art est erronée, ou du moins, ces études sont mal connues et représentent une sorte de fantasme : nous ne sommes pas dans un centre aéré pendant cinq ans.

Un message mal porté

Et si les étudiants en art portent ce message fièrement ? Le premier problème est que ce message est apparu comme un produit de consommation, un accessoire d’une « mode », et porter un tel objet reviendrait donc à dire que les études en art sont un effet de mode. Pourtant, dans l’opinion publique, le monde de l’art est loin d’être « à la mode » en France. Ce à quoi nous sommes formés repousse davantage de gens qu’il n’en attire : l’art contemporain. Nous faisons ces études dans le but de devenir des plasticiens capables de nous exprimer dans le monde actuel.
Le second problème est de privilégier les études d’art par rapport aux autres, en mettant presque les étudiants sur un piédestal, et en les montrant comme des objets fantasmés : le mythe de l’artiste romantique. À moins de voir apparaître prochainement des sacs « Je suis étudiant(e) en médecine / droit / langues / etc. », le message provoque une mise l’écart de l’artiste et de ses études par rapport au reste. Mise à l’écart qui peut sembler valorisante mais qui devient stigmatisante.
Pire encore, porté par des personnes dans un autre cursus, le message devient clairement un accessoire de mode pour se démarquer du reste de la population, qu’on arborerait avec autant de panache que l’on porterait une marque, tout en étant un plat mensonge.
Ce message fausse la réalité et joue sur des idées reçues. Pour qu’il puisse être accepté, il faudrait que la conception de ces études et du monde de l’art change aux yeux du grand public.

Des études sérieuses

En France, 46 écoles publiques d’art proposent ce cursus. Et pour y rentrer, il ne suffit pas de savoir dessiner. L’entrée aux écoles est principalement basée sur la motivation, l’intérêt et l’engagement dans l’art. Références et réflexion approfondie sont donc exigées. Environ la moitié des étudiants arrivent de classes préparatoires, publiques ou non, qui permettent d’avoir déjà une certaine approche de ces études, et de savoir ce à quoi elles engagent.
Dans la plupart des écoles, la première année est une année générale, qui permet de toucher à beaucoup de médiums différents, tout en étant encadré par les professeurs. Dès la deuxième année, le choix d’une spécialisation est imposé, chaque école ayant ses propres spécialités (illustration, communication graphique, peinture, volume, photographie, etc.), pour arriver au Diplôme National d’Arts Plastiques à l’issue de la troisième année (équivalent d’une licence). La quatrième année est consacrée à un voyage Erasmus, ou à un stage, tandis que les étudiants doivent rédiger un mémoire pendant la cinquième année, pour enfin arriver au Diplôme National d’Expression Plastique (équivalent d’un master). Les quatre derniers semestres doivent être utilisés par l’étudiant pour se consacrer à une approche plus personnelle de sa pratique, toujours avec l’aide des professeurs. Ce sont donc des études sérieuses, qui demandent un réel engagement, et il faut se rappeler que nous ne faisons pas ça par loisir, mais par ambition d’en faire un métier, un vrai.

Ce n’est pas par esprit réactionnaire que bon nombre d’étudiants et d’écoles se sont indignés, sur le Tumblr www.noussommesetudiantsenart.tumblr.com par exemple, mais pour contribuer à une image plus vraie des études d’art et de l’artiste. L’art contemporain est peu reconnu en France, il ne doit pas être élitiste, et c’est en démontant certains préjugés que la démocratisation de l’art se fera.

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