A la fin du mois de septembre, le pape François a traversé l’Atlantique. Son but ? Faire entendre ses paroles sacrées dans un contexte international mouvementé. Il cherche à la fois l’apaisement dans les relations internationales, entre Cuba et les Etats-Unis notamment, mais aussi, et surtout, la solidarité. La plus grande vague de réfugiés jamais vue en Europe depuis le Seconde guerre mondiale vient s’ajouter au “désordre” mondial. Une joyeuse valse des diplomates se dessine, et les réponses à cette crise restent encore floues. Décryptage.
Le pape François : porteur d’un message de solidarité
Le 26 septembre, lors de sa visite sur le territoire américain, le pape a appelé à plus de solidarité dans son discours de Madison Square Garden à New-York. Devant 20 000 fidèles, il cite la prophétie d’Isaïe : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » et explique qu’au milieu de l’agitation de la ville nous finissons par ne plus voir « l’étranger, l’enfant sans instruction, ceux qui sont privés d’assurance médicale, le sans toit, le vieillard délaissé ». Un discours qui fait écho à la situation précaire de nombreux Américains privés de couverture sociale ou laissés à la marge. Comme à son habitude, le Pape se borne à mettre en avant la figure de l’indigent qu’il convient d’aider. Le même jour, à l’Assemblée générale de l’ONU, il réitère un discours de bienfaisance. C’est, comme le disait le pape Paul VI, une « minuscule et quasi symbolique souveraineté temporelle » que le souverain pontife se plaît à exercer. Symbolique, mais néanmoins importante. Il entretient aujourd’hui des relations diplomatiques avec 176 Etats. A son époque, Jean-Paul II avait lui aussi joué un rôle lors de la chute du mur de Berlin en 1989, ou encore lorsqu’il condamne l’intervention en Irak en 2001. C’est dans cette lignée que le pape François s’inscrit. Il permet de rappeler de grands principes humanistes parfois mises de côtés par les têtes dirigeantes qui font primer l’intérêt des États.
La crise des réfugiés, un marécage pour l’ONU
Deux jours plus tard, le 28 septembre, les plus hauts dirigeants de la planète se retrouvaient à New-York pour la 70 ème Assemblée des Nations Unies. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a affirmé récemment que cette session intervient à un moment « de troubles et d’espoirs ». Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la seule guerre en Syrie a fait plus de 240 000 morts et poussé à l’exil 5 millions de personnes, sans que les Nations Unies n’aient pu intervenir.
Les dirigeants internationaux se noient parmi les diverses solutions possibles pour répondre à la crise. Concernant la politique intérieure, en Europe, les Etats se sont accordés pour se répartir le nombre de réfugiés. Il était temps. Selon le patron de l’agence de surveillance européenne des frontières, Frontex, quelque 630 000 personnes sont entrées illégalement en Europe depuis le début de l’année 2015. Le nombre de migrants ayant perdu la vie en méditerranée s’élève dans le même temps à près de 3 000, selon les chiffres du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés. Une solution de la part de l’Union européenne met du temps à émerger et il a fallu qu’une photo (celle du petit Aylan) qui illustre bien les conséquences de cette crise circule sur le net et heurte les consciences pour que les dirigeants réagissent. Début septembre, Jean-Claude Juncker, président de la commission européenne, a détaillé devant les eurodéputés les mesures qui ont été décidées. L’UE s’est engagé à répartir 160 000 réfugiés se trouvant principalement en Hongrie, Grèce et Italie. La France doit en accueillir près de 31 500. Mais ces chiffres paraissent insuffisants si l’on prend en compte l’arrivée de nouveaux réfugiés d’ici la fin de l’année. Depuis début 2015, un demi-million de réfugiés a frappé à la porte de l’Europe. Il s’agit alors de faciliter les procédures de demande d’asile, qui est bien souvent un processus très long. En France, il prend en moyenne deux ans. Pour établir plus de transparence, la commission européenne va notamment établir « une liste commune des pays d’origine sûrs » pour permettre de distinguer les personnes qui ont besoin d’une réelle protection de celles qui ne peuvent pas prétendre à l’asile. L’Union prévoit aussi de débloquer des fonds européens « pour soutenir les efforts » des pays d’accueil pour l’intégration des réfugiés, mais rien n’est encore vraiment précisé. Il s’agit aussi pour l’UE de renforcer la police aux frontières. L’espace Schengen est sous pression, avec une hausse de 205 % du nombre de migrants illégaux ayant franchi les frontières début 2015. Le président de la commission annonce enfin « un paquet de mesures sur l’immigration légale » alors que ce sujet fait parler de nombreux partis d’extrême droite, notamment en France. Il s’agirait de « mieux gérer la migration et de rendre moins attrayante l’activité illégale des trafiquants d’êtres humains ».
Vers des décisions concrètes
Parmi les concertations entre dirigeants européens qui ont eu lieu durant le mois de septembre pour faire face à cette crise, le front commun affiché par François Hollande et Angela Merkel, lors d’une allocution commune le mercredi 7 octobre, marque un tournant historique puisque la dernière en date fut donnée par François Mitterrand et Helmut Kohl le 22 novembre 1989, au lendemain de la chute du mur de Berlin. Au cœur de cette crise, François Hollande invite à ne pas céder à la peur, ou au repli sur soi. La chancelière allemande et le président français ont appelé à l’unité pour changer la politique d’asile « obsolète ».
Le jeudi 8 octobre, l’UE s’est à nouveau réunit pour avancer sur le dossier. Plusieurs ministres européens ont estimé qu’il fallait renforcer la politique de l’UE concernant les migrants économiques, qui se mêlent aux réfugiés. Eviter plus de migrants est une chose, permettre l’accueil dans de bonnes conditions des réfugiés déjà installés sur le territoire européen en est une autre.
A cela, s’ajoute la guerre. Une coalition de pays occidentaux, Etats-Unis en tête, mène des frappes aériennes contre Daech en Syrie et en Irak. La France a aussi sorti mené son premier raid aérien visant un centre d’entraînement de l’organisation djihadiste la veille de l’Assemblée de l’ONU. Mais les pays s’opposent sur l’issue du conflit. Les uns veulent le départ de Bachar al-Assad tandis que Vladimir Poutine soutient le président syrien accusé d’avoir réprimé dans le sang le soulèvement de 2011. Et déjà, des « bavures » américaines ont suscité l’indignation puisque l’armée américain a reconnu avoir bombardé par erreur l’hôpital de Médecins sans Frontières à Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan. Sous cet angle, l’appel du Pape à l’apaisement et à plus de solidarité semble loin, très loin.
Le cri d’alerte d’Amnesty International
D’après les estimations d’Amnesty international, il faudra 1,38 million de places pour accueillir les réfugiés les plus vulnérables dans le monde au cours des deux prochaines années. Elle demande aux Etats membres de l’UE de prévoir au moins 300 000 places sur cette période, dans le cadre de programmes nationaux. « La crise des réfugiés n’est pas seulement européenne, elle est mondiale. Les dirigeants de l’UE ne sauraient ignorer cette situation, ni tourner le dos à ses conséquences tragiques. Après des mois de tergiversations, ils doivent enfin élaborer une réponse coordonnée et restructurer en profondeur le système d’asile chancelant », précise John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale à Amnesty International. Garantir l’entrée sur le territoire de l’UE aux réfugiés arrivant aux frontières terrestre extérieures, mettre en place des itinéraires plus sûrs et légaux vers l’UE, l’ONG propose différentes solutions. Il s’agit d’agir rapidement. 2 800 personnes ont trouvé la mort depuis le début de l’année en essayant de gagner l’Europe. La solidarité ne vient pas seulement des gouvernements, les populations sont mobilisées, les élans de solidarité fleurissent, mais là encore, les citoyens ne peuvent pas tout. Et les moyens mis en œuvre doivent venir d’en-haut. De tout là-haut. Il y a quelqu’un ?