Film culte des années 1960, Les Oiseaux, réalisé en 1963 par Alfred Hitchcock, est considéré comme l’un des pionniers du genre horrifique. Mettant en scène l’invasion d’oiseaux dans un village de la côte ouest américaine, cette oeuvre a fait office de précurseur dans plusieurs domaines, notamment l’utilisation de trucages. Mais Les Oiseaux n’est pas simplement une prouesse technique, c’est avant tout une réflexion sur la nature humaine sous couvert de film à suspens, comme souvent avec Hitchcock.
Après la vie de couple dans L’Homme qui en savait trop (1956) ou encore la quête d’identité dans Sueurs Froides (1958), c’est la réaction face à l’horreur qui est abordée dans Les Oiseaux. Comment des êtres humains peuvent être amenés à réagir face à un danger non maîtrisable ? Le cinéaste américain opte pour une réponse optimiste, puisque cet événement conduira les protagonistes à se souder pour mieux se protéger. Aussi peut-on parler de la relation à la mère et du fameux complexe d’Œdipe, déjà évoqué dans Psychose (1960). Mitch Brenner peine à se détacher de cette figure maternelle forte, et Mélanie Daniels parvient petit à petit à s’installer entre les deux, créant l’équilibre qui leur manquait. Encore une fois, Hitchcock a su viser juste dans son approche des relations humaines.
Par ailleurs, on peut lire entre les lignes, et voir dans Les Oiseaux une métaphore de la guerre. On y voit un village qui se fait attaquer, envahir même, sans savoir pourquoi et sans pouvoir réagir. Comme pendant une guerre. Les réactions sont multiples. Certains veulent se battre, d’autres préfèrent analyser la situation, et d’autres encore renoncent d’ores et déjà, prétextant la “fin du monde”. Toujours est-il que les oiseaux font régner la terreur à Bodega Bay, et ceux qui tentent de résister subissent le joug de cette puissante et redoutable armée de volatiles.
Les effets spéciaux, révolutionnaires pour l’époque, semblent aujourd’hui un peu désuets, mais n’altèrent en rien l’expérience des Oiseaux. La tension est omniprésente. Ce n’est d’ailleurs même pas de la peur que l’on ressent devant le film, c’est plutôt une sorte de stress ambiant qui contracte le ventre… “Le Maître du suspens” tente de nous faire vivre ce que vivent quotidiennement ceux qui subissent la guerre, dans l’insécurité et le danger permanent… D’ailleurs, ce sont les yeux qui sont symboliquement mis en valeur dans le récit (à travers des gros plans notamment), comme pour diriger notre regard et celui des personnages vers l’horreur, nous confrontant ainsi à la dure réalité de cette violence.
Comme d’habitude avec Hitchcock, l’esthétique est impeccable et la mise en scène travaillée. On sent d’ailleurs particulièrement sa maîtrise dans ce film, l’auteur étant parvenu à maturité après une quarantaine d’années de carrière derrière lui. Certaines images, comme celles de l’arrivée de Mélanie à Bodega Bay ou le plan final, sont somptueuses. Quant aux acteurs, ils sont tous très bons. Mention spéciale à Tippi Hedren, dont c’est malheureusement le seul rôle mémorable.
Les Oiseaux est donc un film à voir absolument, car il est une source de réflexion inépuisable et assurément l’un des plus grands films d’Alfred Hitchcock.