SOCIÉTÉ

« Détruire de l’intérieur l’Union Européenne » : la guerre de Marine Le Pen

Le mardi 16 juin au matin, Marine Le Pen jubile. Envolé, l’échec de 2014. Elle est parvenue à créer un groupe d’eurosceptiques au sein même du Parlement européen, rassemblant tous les partis nationalistes et intitulé « Europe des Nations et des Libertés ». Elle est désormais la présidente de cette association de sept partis nationaux. Mais au fond, qu’est-ce que ça change ?

Premièrement, ce sont des aspects financiers qui entrent en ligne de compte, avec la possibilité de mobiliser beaucoup plus de capitaux et d’obtenir plus de subventions. Mais le poids de cette alliance de 37 députés de sept nationalités différentes dans le Parlement n’est plus négligeable, et les dote de véritables moyens d’action. « Europe des Nations et des Libertés » dispose de facto d’un bureau et d’un secrétariat dédiés, d’un temps de parole doublé et d’une possibilité d’amender les projets de lois en séances plénières. Ce groupe dispose désormais d’une puissance d’action à forte capacité de nuisance pour le fonctionnement même de l’Union Européenne.

La concurrence est cependant rude avec l’autre noyau europhobe, mené par Nigel Farage, à la tête de l’UKIP. Ce dernier reprochait à Marine Le Pen, dans un entretien avec le Figaro, son « bagage historique » trop lourd à porter. Il tranche : « Étant donné son passé, ce n’est pas un parti avec qui l’on peut faire des affaires ». Refusant de s’assimiler à ces partis qu’il qualifie « d’extrême droite », il ralliait Nicolas Dupont-Aignan et Le Mouvement 5 Etoiles de l’italien Beppe Grillo à son groupe EFD (Europe de la Liberté et de la Démocratie). Mais en octobre, ce groupe de 45 députés a implosé, suite à la défection de la représentante lituanienne.

 En effet, pour former un groupe parlementaire, un nombre minimum de 25 députés et la présence de représentants de sept états membres sont prérequis. Petit tour de table de l’équipe europhobe.

Des amitiés particulières

Point commun : ils raffolent d’expressions épiques pour parler de leur croisade contre l’Union ; l’instar de Geert Wilders qui se félicitait de ce « moment historique » pour « la résistance européenne ». « C’est notre Jour J, le début de notre libération » poursuivait-il. Ce Néerlandais islamophobe est le fondateur du PVV (Parti pour la Liberté), le plus proche allié de la présidente consacrée. L’Autrichien Heinz-Christian Strache – guerroyant contre « l’invasion turque » – est lui à la tête du Parti de la Liberté (FPÖ) ; décidément, un terme qui leur est cher…

Ensuite, on trouve le vieil ami et séparatiste flamand Gerolf Annemans, qui souhaite sortir de l’UE, fermer les frontières de son pays et engager une lutte forcenée contre l’islamisation. Remarqué pour son intolérance et son rejet des migrants, Matteo Salvini sourie également sur la photo officielle. En tant que leader de La Ligue du Nord italienne, il n’a pas hésité à qualifier la création de l’euro comme « crime contre l’humanité »…

Il manque un autre état, me direz-vous. La dernière députée en date n’est autre que la Britannique Janice Atkinson, débauchée de l’UKIP. Car « Europe des Nations et des Libertés » s’inscrit dans des manœuvres politiciennes plutôt classiques et sert surtout à concurrencer Nigel Farage. Le transfert d’Atkinson répond à l’arrivée de Joëlle Begeron, ex-élue du FN, dans l’EFD manœuvrée par Farage lui-même.

Si les 596 eurodéputés restants peuvent craindre un pourrissement des débats et un ralentissement des procédures par multiplication d’amendements contraignants, Marine Le Pen ne peut, à l’heure actuelle, porter de coup d’arrêt au fonctionnement de l’Union Européenne. Elle ne dispose pas d’une minorité assez importante pour bloquer le Parlement. Les eurosceptiques à eux-seuls – EFD et Europe des Nations et des Libertés –ne représentent vraisemblablement que 10,8 % des élus, au sein d’une institution à majorité europhile écrasante.

 

 

 

Sudiste exilée à Paris, Mazienne #fromthebeginning. Droguée à l'actu, le plus souvent par seringue radiophonique.

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