A l’occasion du festival Incrock d’Incourt, dans la province du Brabant Wallon, Maze a pu rencontrer un artiste qui ravit nos oreilles depuis près de dix ans maintenant. Renan Luce, originaire de Bretagne, sillonne la francophonie depuis plus d’un an pour défendre son troisième album D’une tonne à un tout petit poids. Il nous offre dans cet opus une vision intimiste de sa vie, de ses émotions, de ses sentiments, sans quitter les narrations fantasques qui font sa marque de fabrique. Sur une terrasse ensoleillée, nous avons pu lui poser quelques questions.
Pourquoi avoir attendu aussi longtemps entre cet album-ci et le précédent ?
Ce n’est pas une volonté, et ce n’était certainement pas un pause dans ma carrière. La tournée du précédent album était très longue, on est resté sur la route pendant presque deux ans. J’avais quand même l’envie d’être dans une dynamique plus calme. Etre en tournée c’est comme être dans un énorme tourbillon ; ça fatigue, à la longue. J’ai toujours du mal à écrire en tournée, j’ai besoin d’être dans ma bulle. A l’issue des concerts, il m’a fallu du temps pour vivre des choses plus normales qui sont le point de départ de mes chansons. J’ai pris le temps d’observer, de rêver aussi, de ne rien faire. C’est tout ça qui enclenche mes idées. J’ai besoin de tout ce temps pour décrire aux mieux les émotions dont je veux parler dans mes chansons. Tout est passé très vite pour moi, peut-être que ça l’était un peu moins pour le public !
C’est vrai qu’au bout de deux ans à sillonner le continent, j’étais un peu rouillé dans mon écriture. J’ai mis quelques mois à retrouver mes marques. Je n’ai pas l’habitude d’écrire tous mes textes en un seul jet. J’aime bien balancer quelques idées, puis revenir un peu plus tard, retravailler les choses, les remplacer, les moduler…
Est-ce difficile de passer de l’adrénaline de la tournée au calme plat d’une vie casanière ?
J’ai appris ce rythme au fur et à mesure. Sur la dernière tournée je n’étais pas papa, maintenant je le suis, donc fatalement ça calme aussi un peu les choses. Je m’arrange toujours pour être trois jours en concert, puis trois jours à la maison. J’aime ma nouvelle dynamique comme j’aimais l’ancienne. Il y a du bon partout. Je n’oublie jamais la maison, je n’oublie pas non plus mon métier de scène. Après cette tournée j’aurai beaucoup moins de mal à revenir à la réalité. Sur la précédente, c’est vrai que j’étais un peu déboussolé.
Qu’est-ce qui t’as motivé au début de ta carrière à te dire que tu voulais devenir chanteur ?
Je me souviens pas avoir pensé autre chose. Il paraît que déjà tout petit enfant, je disais que je voulais chanter. Donc c’est un rêve qui ne m’a jamais quitté. J’y pense depuis toujours. J’ai écrit mes premières chansons vers quinze ans, je savais que je n’étais pas prêt, je me suis véritablement lancé dix ans après.
Et ces chansons, ce sont celles que l’on peut entendre actuellement ?
Celles d’il y a vingt ans ? Oh non, je ne les sors plus (rire). C’était un autre écriture, les sujets de préoccupations étaient tout autres. C’étaient ceux d’un adolescent, maintenant ça ne me parle plus trop.
Est-ce que tu te destinais à ce métier au point d’avoir entrepris des études en rapport avec la musique ?
J’ai commencé par le piano. Ma première véritable découverte de la musique c’était dans une chorale de campagne, dans ma Bretagne natale, avec mon frère et ma soeur. Le prof nous accompagnait au piano, ca nous a donné envie à mon frère et moi de nous y mettre aussi. Apres j’ai été au conservatoire pendant quelques années. Je n’étais pas non plus un élève assidu, l’instrument me plaisait, faire de la musique me plaisait, mais j’étais pas dans cette démarche de vouloir maîtriser à tout prix le piano. Comparé à mon frère qui lui est devenu pianiste de métier, j’étais un peu plus dilettante. J’étais dans une démarche plus à la cool, mais tout de même avec beaucoup de passion, je le pratiquais avec un genre de sérieux.
Si tu es pianiste, comme se fait-il que la guitare soit au centre de presque toutes tes chansons ?
Parce que vers mes quinze ans, je me suis mis à la guitare tout seul, j’imitais d’abord les chansons des autres, puis mes propres compos ont suivi. C’est devenu l’instrument avec lequel je composais la plupart de mes titres, et avec lequel je m’accompagnais quand je faisais des petits concerts dans les bistros. C’est évidemment beaucoup plus pratique qu’un piano. Et c’est plus discret de composer avec une guitare dans ma chambre, que de jouer du piano devant tout le monde au milieu de la maison. J’étais plus caché, j’adorais cette vision de la musique.
Il y a une troisième corde à ton arc ?
J’ai fait un peu de saxophone aussi, mais sans grande maîtrise non plus. Je m’y suis mis parce que j’adorais la sonorité jazzy que je n’avais pas forcement avec la guitare.
Où trouves-tu des sujets d’inspiration aussi divers ?
J’essaye d’inventer des choses, je ne me contente pas du vécu, donc ça ouvre le champ du possible au maximum. Je peux parler de tout parce que je ne fais appel qu’à ma vie. J’aime toujours ce moment où je me surprends à inventer une histoire rocambolesque et complètement opposée à ma vraie vie. Je me demande toujours « qu’est-ce qui pourrait m’arriver d’amusant et qui sorte de mon quotidien ? ». J’adore voir l’histoire naître sous mes yeux.
Mais à travers ces histoires imaginées, tu transmets tes émotions personnelles…
Oui parce que je les décris avec mon regard. Quand j’imagine un personnage, je le façonne avec des traits de caractère que j’aime bien et qui se rapprochent de moi. J’essaye de me décrire à travers des aventures qui ne sont pas les miennes. On peut facilement savoir quel genre de mec je suis en écoutant mes chansons, même si parfois les textes sont un peu loufoques et difficiles à croire.
Tout n’est pas toujours loufoques, tu touches un peu à toutes les émotions…
C’est comme dans la vie, les gens ne sont pas toujours en train de délirer. On a tous nos moments plus tristes, plus drôles, plus sensibles, plus intérieurs. Je ne fais pas exception à la règle et j’essaye de tout retranscrire pour être le plus complet possible.
As-tu l’intention de collaborer avec quelqu’un dans un titre futur ?
Ça m’est déjà arrivé sur mon dernier album j’avais écrit une chanson, Papy Gâteau. C’était l’histoire de trois frères qui voulaient hériter de leur grand-père et j’avais invité mes copains à chanter avec moi pour donner de la vie à mon histoire. J’avais également participé à un des disques d’Alexis.
Là je viens d’enregistrer une chanson avec une jeune chanteuse qui s’appelle Emilie Gassin, d’origine australienne. Tout peut arriver, ça dépend des propositions qu’on me fait et des rencontres aussi. Je suis sûr que ça arrivera encore.