CINÉMA

« Conversation avec une âme d’enfant dans un corps d’adulte » – Michel Gondry

Cette description de Michel Gondry on la doit à Théophile Baquet , alias Gasoil,  qui résume bien notre impression sur le réalisateur après s’être entretenu avec lui. Durant près d’une heure il nous a parlé du film, de son approche artistique mais aussi de son incursion à Hollywood. Nous avons sélectionné pour vous ce qui rendait le mieux compte sa pensée vis-à-vis de ces sujets.

 

Un film à part 

L’une des choses marquantes de Microbe et Gasoil est la manière dont il se distingue de la filmographie récente de Gondry, à la fois par rapport à son expérience épuisante de L’Ecume des jours, mais aussi de The We and the I.

« Après L’Écume des jours je voulais une seule équipe, une seule caméra que j’ai moi-même acheté pour m’assurer de ne pas avoir tout un tas de gadgets dessus. La mise en scène devait être réduite au minimum pour se concentrer sur le jeu des acteurs. Le film est personnel et en même temps tourné de manière classique : sans artifice, sans effet-spécial, avec des décors normaux. »

 « Dans The We and the I il y a plutôt une observation.  Il est plus contemporain, plus ancré dans la réalité, alors que Microbe et Gasoil c’est plutôt une exploration personnelle de souvenir. »

 

Un film autobiographique ?

Difficile de ne pas voir dans le film un certain reflet de la propre vie du réalisateur. Sur ce point central, Michel Gondry nous donne des éléments de réponse.

« J’ai écrit le script en racontant des choses que j’avais vécu, ou que j’avais rêvé. Microbe c’est moi, Gasoil c’est plusieurs de mes anciens amis. Ce qui me fascinait chez certains de mes camarades de classe c’est qu’ils n’étaient pas ceux que l’on pouvait trouver à Versailles. Par exemple les parents de l’un étaient polonais et un autre habitait dans un baraquement d’après-guerre, presque insalubre. Cela ne correspondait pas avec le Versailles type. »

 « Le film est bien-sûr nostalgique parce qu’il parle de souvenirs, d’événements passés d’il y a 30 ans, mais c’est actualisé. Je n’ avais pas envie de faire un film sur les années 70, mais sur l’amitié. J’ai donc gommé un petit peu ce qui était trop actuel ou trop rétro pour en garder l’essence. »

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Michel Gondry et ses jeunes acteurs sur le tournage de Microbe et Gasoil. © StudioCanal

 

Un anticonformisme revendiqué

Une chose est sûre à propos de la personnalité de Michel Gondry, et cela se retrouve dans toute sa filmographie mais particulièrement dans celui-ci, c’est son anticonformisme.

« On ne cédait pas à la mode, mes copains et moi, on était un peu anti-mode. C’est d’ailleurs peut-être pour ça qu’aujourd’hui je ne fais pas des millions d’entrées. Ce n’est pas de l’élitisme c’est simplement l’impression, comme il est dit dans une scène du film, de perdre sa personnalité en se noyant dans la masse. On était fan de Michael Jackson et deux ans après il y a Prince qui est apparu. Tous les gens ont basculé de Michael Jackson à Prince, mais nous on est resté M. Jackson à fond. On se disait que Prince c’était de la merde, que c’était de la branchouillerie. De la même manière j’avais aussi refusé d’aller voir La Fièvre du samedi soir ou Les Dents de la mer. Ce n’est pas être snobe pour autant que de ne pas vouloir se conformer. Justement, les gens qui vous voient ne pas vous conformer à la norme vous appellent snobe parce qu’en fin de compte ils sont jaloux de votre originalité. »

 

Le bricolage chez Gondry

Autre point marquant de sa filmographie, qui est ici relativement en retrait mise à part la voiture-maison, c’est son goût immodéré pour le bricolage de toute sorte.

« Moi j’aime bien fabriquer des choses. Le film en soit n’est pas bricolé du tout, pas comme La Science des rêves où on a utilisé de l’animation , des rétroprojections. Là tout est naturel, c’est filmé de manière très classique. J’ai toujours aimé détourner les objets. Par exemple j’adore la Tête de taureau de Picasso où il a pris un guidon de vélo et ça ressemble à une tête de taureau. Quand je regarde un objet je vois toujours ce que ça pourrait être, ce qu’il pourrait avoir comme autre fonction. »

Pablo Picasso ~ Head of a Bull, 1942

Tête de taureau (1942) au musée Picasso

Souvenirs d’Hollywood

Avec un peu de recul le réalisateur semble tiraillé entre films à gros budgets, très populaires et petits films indépendants. Il a alors accepté de revenir plus précisément sur son expérience dans le blockbuster Hollywoodien avec The Green Hornet.

« Pour un film à gros budget il y a beaucoup plus d’intervenants qui regardent le moniteur, de gens à convaincre, il faut justifier ses choix. C’est presque comme le tournage d’une publicité. Là je décide de tout, je me sens plus libre. Avec un petit film le travail va plus vite, on se concentre plus sur l’essentiel comparé aux films plus lourds où il faut demander l’avis de tout le monde. Mais avec ces derniers il y a le rêve d’atteindre un plus grand public et on espère toujours qu’il y aura une certaine originalité, même si le film est plus gros. »

« Pour faire un film comme The Green Hornet on est obligé d’être diplomate. Quand je suis arrivé à Sony ils étaient une dizaine autour de moi et j’explique ma « vision ». Ils m’ont dit « très bien mais promettez nous que vous n’allez pas faire un film avec la caméra qui bouge, granuleux comme Eternal Sunshine  mais avec une belle image bien posée ». Je leur ai dis « oui c’est promis » et ils m’ont donné le boulot. Le problème c’est qu’à chaque fois que je faisais un cadre je pensais à ma promesse que j’étais obligé de tenir. Il y a toute une manipulation où le producteur obtient finalement ce qu’il voulait pour le pire, et le meilleur. Une fois je suis parti du plateau. C’est une chose à na pas faire, il faut ravaler sa fierté car après on a une réputation. Ou alors on fait un milliard de dollars et là on peut avoir toutes les crises de nerfs que l’on veut. »

« J’étais partant pour la 3D en post-conversion, ce qui est moins beau mais moi j’aime bien parce qu’il reste le grain du film. Mais tout le monde nous a tiré au boulet rouge parce que c’était au moment où tout le monde en avait marre de la 3D. Et puis c’était l’époque de « Avatar est un chef d’oeuvre, Green Hornet c’est de la merde ».

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Michel Gondry et sa star Seth Rogen sur le tournage de The Green Hornet. © Sony Pictures Releasing France

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