En 1957, Roland Barthes publie les Mythologies, un recueil dans lequel il présente des éléments de son actualité en dévoilant leur signification pour la société française des années 1950. En 53 petits textes, Barthes montre comment, entre autres, un fait divers, une image, un roman, une personnalité caractérisent le quotidien afin de devenir des mythes modernes. Pour Barthes, le mythe est une parole, un message chargé de signification. Il est fortement lié à l’histoire et l’identité d’une culture.
Un demi-siècle plus tard, c’est Jérôme Garcin qui publie les Nouvelles Mythologies. En faisant hommage à Barthes, il rassemble les nouveaux mythes propres aux années 2000.
Mais l’histoire ne s’arrête jamais, et chaque décennie se distingue d’une autre par des événements, des tendances, des inventions. Cela fait que le mythe est aussi une chose dynamique qui évolue et change au fil du temps. En 2015, il y a des mythes qu’on aurait à peine soupçonné il y a dix ans. L’un entre eux, c’est le hashtag.
Tous les adeptes d’Instagram le savent : prendre une photo et choisir le bon filtre ne représentent qu’une partie dans la construction d’une image sur les réseaux sociaux. Ce qui compte autant que le cliché, c’est le hashtag qui va avec. Initialement désigné pour aider à retrouver du contenu lié à un certain contenu sur le web, le hashtag est aujourd’hui ancré dans nos interactions sur les réseaux sociaux, et même en dehors. Qui aurait pensé que l’histoire du hashtag remonte à 1978, quand il est apparu dans le langage de programmation ? C’est surtout grâce à Twitter que le hashtag est désormais utilisé au quotidien. Et entre temps, sa fonction ne se réduit plus à la simple recherche par mots clés. Non, il est souvent chargé d’émotions et crée ainsi une appartenance entre les internautes. Il porte donc une signification et résume des situations ou des états d’âme que tout le monde connaît – l’exemple par excellence (avec plein d’humour et un grain d’ironie), c’est le compte Instagram des BrosBeingBasic.
Le caractère émotif fait que le hashtag est d’ailleurs aussi une excellente façon de faire de la publicité. A part aider les utilisateurs de Twitter et Instagram à gagner plus de followers, il permet également d’attirer l’attention sur une cause ou même une campagne politique. #BringBackOurGirls #HeForShe #JeSuisCharlie ou bien #letsmove ne sont que quelques exemples.
En plus d’être bien pratique, le hashtag donne un air moderne à presque n’importe quel mot clé. Bon, ça ne marche peut-être pas avec #pantoufle, mais en mettant la légende #love sous une photo peut en effet créer du buzz et faire exploser le nombre de likes. Et comme un seul hashtag peut avoir l’air un peu perdu, sauf si on est Kim Kardashian pour qui la légende contenant uniquement #nofilter fait son effet, c’est parfois un matraquage de hashtags qui envahit les réseaux sociaux. Dans ces cas, la notion purement pratique du mot clé ne joue qu’un rôle secondaire. Il semble que pour les digital natives, donc ceux qui, nés à partir de 1995, ont été entouré de gadgets alors qu’ils étaient encore en barboteuse, le hashtag est surtout un symbole qui est caractéristique pour toute une génération pour qui les nouvelles technologies, les medias et les réseaux sociaux sont toujours présents et accompagnent le quotidien. Tout est susceptible d’être pris en photo, partagé, commenté. Il n’est donc pas étonnant que le hashtag apparaisse même en version imprimée. On ne le trouve pas seulement dans les pubs et magazines, où il remplace la bonne vieille adresse web, car il est plus facile à retenir, mais aussi en tant que motif imprimé sur des t-shirts.
Il n’est donc pas surprenant qu’on en fasse aussi référence dans notre propre langage. Immortaliser une soirée sur une photo et la décrire comme #SundayFunday #sunnyapero #VinoVibes #BaeCaughtMeSipping #feelinggood #love #BestiesForever #summertimeshine #swag, c’est bien sympa. Citer des hashtags verbalement pour exprimer à quel point on est emballé, ça, c’est le vrai pic de la coolitude.