Il y a un peu plus d’un mois maintenant se terminait le Printemps de Bourges, je vous propose ici de jeter un coup d’œil à un autre aspect de ce festival, loin des têtes d’affiches.
Ayant emménagé cette année à Bourges pour rentrer aux Beaux-Arts, j’attendais avec impatience le fameux « Printemps ». Mais au fur et à mesure que le festival dévoilait sa programmation officielle j’allais de déception en déception en attendant toujours le nom qui provoquerait le déclic et me pousserait à prendre mon billet. Si bien qu’au final, n’étant guère enjoué à l’idée de débourser 35€ pour voir des seconds couteaux en première partie d’autres seconds couteaux ou encore pour assister à une soirée techno, j’ai décidé de passer le festival dans les rues afin de profiter de l’ambiance des scènes gratuites et d’aller assister aux concerts privés organisés dans les caves de Bourges (tradition chez les élèves des Beaux-Arts mais chut…). Ainsi, si comme moi vous payer un concert veut dire que vous allez devoir manger des pâtes sans sauce pendant une semaine, vous allez voir qu’il est possible de s’amuser pendant le Printemps de Bourges pour un budget quasi nul.
Jour Un. Vendredi, mise en jambe.
Le festival démarre, alors que lycéens avec permission de minuit et punks à chien commencent à emplir les rues traditionnellement désertes dès 21h. Avec quelques amis nous décidons d’aller faire un tour sur les stands installés aux alentours du Palais d’Auron (une des salles de concert payante du festival). Entre les camions-friteries, les camions-kebabs et les camions-à-paella-géante on trouve toutes sortes de stands allant du vendeur de t-shirts portant l’effigie de Bob Marley au disquaire indépendant essayant de vous refourguer un 33 tours de Kool and the Gang à 12€ (véridique). L’ambiance est plutôt sympa, et après s’être arrêtés un petit quart d’heure pour écouter jouer Alarash (c’est leur nom et ça les décrit bien), duo guitare/batterie aux textes tantôt comiques tantôt obscènes, nous continuons notre chemin pour nous arrêter devant une scène gratuite sponsorisée par une marque de bière. J’ai pu assister à la fin du concert de Forever Pavot donnant une interprétation du générique du dessin animé Tintin digne de Pink Floyd période Syd Barret. A la suite de Forever Pavot, est monté sur scène Sucess, groupe pop rock que je décrirai comme une version des Yeah Yeah Yeahs où on aurait remplacé Karen O. par Marc Bolan, en bref un son mélangeant guitares saturées et synthés qui donnent envie de danser le tout supporté par un chanteur énergique aux postures flamboyantes.
La soirée se poursuivra dans les rues de Bourges animée par des fanfares de percussions ambulantes et des groupes de rock à papa reprenant les standards des Rolling Stones dans la plus pure tradition du classic rock. Aux alentours de 2h du matin, la Cave Poussière ouvrait ses portes à ceux désirant danser au rythme de la techno minimale de Elektrons. Ce sera tout pour moi ce soir là.
Jour Deux. Samedi, délirant.
Ce soir ci, en attendant que le concert prévu à la Cave Poussière ne démarre, notre petit groupe navigue de rue en rue et d’ambiance en ambiance. Ainsi tandis que la foule attirée par un sound system monolithique donne à la place du 8 Mai des allures de place de la Bastille un soir d’élection, certaines rues prennent plutôt des allures de Fête de la Musique avec des groupes reprenant tantôt Zombie, tantôt Smells Like Teen Spirit. Sur notre chemin nous tombons sur la Charcuterie Musicale de DJ Halouf, stand s’apparentant à un blind test dansant, avant de poursuivre la soirée à la Cave Poussière qui, moyennant une participation de 3€, programme ce soir là la Fonky Mobil, groupe de rap déjanté (lors d’une chanson sur Dyonisos, un des rappeurs passe dans l’assistance avec un cubi de vin rouge pour abreuver le public) rappelant par moments Stupeflip notamment grâce à leurs déguisements
Jour Trois. Dimanche, assourdissant.
Ce soir, c’est à la Cave ODC que ça se passe. Trois euros. Trois concerts qui me font encore regretter de ne pas avoir porté de bouchons anti-bruit. On commence avec Mathem and Tricks, duo guitare/batterie jouant du heavy metal instrumental préparant le terrain pour Pauwels, groupe de post-rock tendance bruitiste composé d’une basse, de deux guitares et de non pas un, mais deux batteurs. A ce moment-là de la soirée je commençais à me faire à l’idée que, plus jamais je ne récupérerai totalement mon ouïe, j’étais résigné. Venant achever mes oreilles endolories, débarquent enfin les gars de Moodie Black, groupe de rap américain équipé comme il faut pour déclencher quasi instantanément un pogo. Au niveau instrumental on a le droit à une guitare distordue et lancinante accompagnée par des boucles de synthés planants, le tout cadencé par une vraie batterie donnant aux instrus un ton industriel et oppressant.
Jour Quatre. Lundi, loufoque.
Ce quatrième soir sera pour moi le dernier. Au programme de la Cave 40, PoiL puis Gwin Wurst. Comment décrire PoiL ? On pourrait comparer leur son à Captain Beefheart, et dire qu’ils y ajoutent une pointe de rock progressif expérimental ou encore de krautrock mais il reste difficile de rendre compte du chaos synchronisé de leur musique au rythme fluctuant qu’ils qualifient eux même de “Superhero Big Beat Surf”. A la fin de leur set, le groupe se retire pour laisser le champ libre à leur claviériste fou sévissant sous le nom de Gwyn Wurst. La musique de Gwyn Wurst donne l’impression qu’elle est interprétée par plusieurs personnes se partageant un seul corps et lutant en permanence pour en prendre le contrôle total. En résulte un déluge de sons hétéroclites balancés par deux claviers joués en même temps. Un instant on danse comme si on écoutait un DJ et l’instant suivant nos déhanchements se retrouvent suspendus en plein vol par un revirement total improvisé par le virtuose.
La victoire des “petits” groupes.
Après ces quatre soirs de musique intense, je suis convaincu plus que jamais que, même si les petits groupes ne peuvent pas gagner la bataille des vues sur YouTube face aux gros, ils restent les vainqueurs quand on parle d’expérience. A mes yeux rien n’égalera jamais la sensation produite par un guitariste qui joue sur un ampli qu’il a lui même transporté jusque sur l’estrade.