Pour comprendre Tu dors Nicole, un petit détour par le surréalisme s’impose.
Retour sur ce mouvement artistique qui a bouleversé les Arts en trois étapes.
Un contexte – Né dans l’entre-deux guerres, le surréalisme se retrouve baigné dans la mort et la pauvreté. La population Européenne est rongée par un quotidien gris et miséreux et les Surréalistes apparaissent comme les éventreurs du quotidien. Ils veulent libérer l’homme de sa fonction utilitaire à travers le rêve et les désirs.
Une révolution de la pensée – Le surréalisme marque une rupture avec les conventions. Les Surréalistes abolissent la censure de leurs œuvres et montrent la violence ou le sexe avec liberté.
En refusant l’oppression de la société sur le corps et l’esprit, les Surréalistes aspirent à l’onirique et vont beaucoup s’inspirer des débuts de la psychanalyse notamment avec Freud.
Ses conséquences dans le cinéma – Il est possible de déterminer la fin du mouvement surréaliste en 1969 lors de la dissolution du groupe. Pour beaucoup, c’est la mort d’André Breton, homme de Lettres, homme d’Art et génie qui signe la fin de ce temps trois ans auparavant. Les Surréalistes ont entamé la quête de la liberté absolue, sur le fond et la forme des choses et aujourd’hui, Tu dors Nicole, continue le chemin.
Nicole vit au Québec dans une maison aux canapés fleuris assortis à la tapisserie. Son été est rythmé par la liste de corvées laissée par ses parents, le groupe de rock de son frère et sa copine aux aventures multiples. Derrière cette vie d’été aux langueurs océanes, la jeune adulte s’agace de ne rien faire, et provoque les autres pour se distraire. Alors pour contenir sa colère le jour, Nicole rêve d’Islande et de geysers. Elle peint ses Doc’ Liberty en noir pour avoir des chaussures de marche et se croit reine du pétrole grâce à la carte bancaire qu’elle a reçue. Après s’être faite renvoyer de son travail, elle fait son sac rageusement, bien décidée à aller faire ce voyage. Mais en commandant un banana split, la carte ne passe plus et le rêve s’effondre. Sa colère ressort et il y a le jour et il y a la nuit. La jeune fille nageant avec des frites dans sa piscine et la noctambule allant faire de l’athlétisme avec les étoiles. La narration est faite par monts et par vaux, les scènes alternant avec ces deux tableaux par des noirs violents. Les émotions sont retranscrites par une imagerie poétique très concrète notamment avec le leitmotiv de l’arrosoir pour les moments de colère. Le jeu de Nicole est assez las et lorsqu’une forte émotion survient, le montage nous présente un objet quelconque et métaphorique pour la représenter. Ponctué de symbole, Tu dors Nicole agit comme un poème qu’il faut décortiquer pour en saisir le sens. Le son a aussi une fonction très particulière : souvent en désaccord avec l’image, il n’y a aucun souci à ce que du hard rock ponctue une partie de mini golf mollassonne. Allant même parfois à être décalé de l’image. Tout oscille entre fureur et quiétude, entre rêve et réel.
Lorsque les Surréalistes avaient présenté leurs premières œuvres, elles avaient été considérées comme irréfléchies. Mais la déconstruction des codes, aussi inquiétante puisse-t-elle être, est quelque chose de profondément méthodique et merveilleux. Tu dors Nicole, ce n’est pas une narration floue et maigre mais un récit maîtrisé et évadant. Tu dors Nicole n’utilise pas le noir et blanc pour cacher une image ratée, non, c’est un outil esthétique et un hommage aux « vieux du cinéma ». C’est une leçon de cinéma, osmose entre que ce qui a été et ce qui est sur les écrans.
Tu dors Nicole est la nouvelle vague du surréalisme. Encore un peu ivre de sa gueule de bois de la veille, il fait du somnambulisme en attendant un nouveau réveil inespéré.