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Musée des confluences – Manifeste pour l’intelligence

Gosse, alors que vous traînez les pieds au muséum d’Histoire naturelle de Paris, on vous explique gentiment qu’ « on ne touche qu’avec les yeux » et qu’il faut bien respecter la chronologie des salles, pour mieux comprendre. Dans un élan de rébellion, vous demandez pourquoi on ne vous a pas laissé avec un catalogue et une frise chronologique avec un sirop de grenadine sur un canapé, parce qu’à peu de choses près, c’est la même chose. Certainement interpellés par la pertinence de ce genre de remarque, les penseurs et créateurs du musée des Confluences, inauguré à Lyon le 14 décembre dernier, ont créé un langage en phase avec notre époque mêlant collections, scénographie, vie et architecture.

Aujourd’hui, nous avons des cerveaux « mieux faits » à défaut d’avoir des cerveaux « bien pleins », avance le philosophe et sociologue Michel Serres dans Petite Poucette. Par ces formules rapides, il tente d’expliquer que nos cerveaux évoluent et les manières d’apprendre avec : d’après lui, nous avalons moins de connaissances qu’il y a 50 ans mais savons mieux les utiliser, pour les mettre en lien et leur donner du sens. Cette évolution, il l’explique par l’avènement du numérique et la capacité de notre cerveau à être plastique, c’est-à-dire sa capacité à remodeler entièrement son système de connexions neuronales en fonction des conditions d’apprentissage. Mais quel lien avec le musée des Confluences, me direz-vous ?

Le musée, à travers son architecture impressionnante appelée le « nuage », n’offre pas l’exposition bête et méchante de collections, de contenus qu’il est difficile de s’approprier. A la manière des hyperliens sur le Web et de notre cerveau, il connecte entre eux les éléments exposés dans les salles permanentes. Il fait confiance à la plasticité de notre cerveau, il fait confiance à Michel Serres. Et les salles elles-mêmes sont conçues en fonction des thématiques proposées. Par exemple, l’exposition « Espèces, maille du vivant » interroge les liens entre les différentes espèces, le rapport et les interactions entre humanité et animalité. La scénographie, mettant en scène ces éléments dans un parcours de 27 km de cordes tendues, prend à la lettre le titre de l’exposition et crée une véritable maille. Et la grande spécificité de ce parcours est qu’il n’est pas fléché : il propose une interprétation des collections sans nous enfermer, il soulève des questions plus que n’apporte des réponses.

 © Quentin Lafont

© Quentin Lafont

Restant dans l’optique d’un apprentissage différent, le musée est aussi un lieu de vie. Nous pouvons y passer une journée sans aucun problème, prendre le temps d’une pause gourmande dans les hauteurs du musée ou simplement se détendre dans des canapés au sous-sol. En dehors d’un billet d’entrée nous rappelant que nous entrons dans un musée, il ne se veut pas en rupture avec l’extérieur ou notre quotidien.

Cette volonté de lier pensée, vie et apprentissage sonne comme un manifeste. Le musée des Confluences est une infographie gigantesque que l’on peut toucher et parcourir. Si cela marque l’affirmation d’un nouvel apprentissage, d’une nouvelle façon de découvrir (par cette expérience intelligente et connectée), alors il faut mettre de côté l’aspect financier du projet et porter très haut cette idée.

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