SOCIÉTÉ

Des bébés à trois parents au Royaume-Uni ?

Faire des bébés à trois ? L’idée peut étonner ! Le Royaume-Uni est devenu le 24 février dernier le premier pays à autoriser la conception d’enfants « à trois parents ». Vous savez pourtant comment sont faits les bébés. Après la Chambre des communes, la Chambre des Lords a approuvé la loi permettant le transfert mitochondrial. Mais alors nos voisins d’outre-manche auraient-ils perdu la tête ?

C’est en réalité moins farfelu qu’il n’y paraît car l’objectif de cette manipulation est d’éviter la transmission de certaines maladies. Environ 125 bébés par an naissent en Grande-Bretagne avec un dysfonctionnement mitochondrial. Les mitochondries sont des structures ovales situées dans le cytoplasme des cellules. L’une de leurs spécificités est qu’elles possèdent leur propre ADN, appelé ADN mitochondrial, et différent de l’ADN nucléaire qui est lui situé dans le noyau des cellules. La transmission de l’ADN mitochondrial est exclusivement maternelle.

Or, certaines mères portent une mutation génétique dans leur ADN mitochondrial, ce qui peut transmettre à l’enfant des maladies extrêmement grave. Cela concerne une naissance sur cinq mille et les maladies dont il s’agit sont pour l’heure incurables et potentiellement mortelles.

Afin d’éviter cette transmission, il est envisagé d’effectuer un « transfert mitochondrial », c’est-à-dire de remplacer l’ADN mitochondrial défectueux de la mère par l’ADN mitochondrial sain d’une donneuse. Cette méthode se ferait donc in-vitro. Les patrimoines génétiques de la mère et du père sont donc conservés, mais celui d’une troisième personne est présent. Pour les défenseurs de cette technique, elle constituerait une avancée majeure, en permettant à des centaines d’enfants de ne pas souffrir de maladies lourdes dont ils auraient pu hériter.

Mais avec cette nouvelle pratique, de nouvelles questions se posent. Sachant que le don de gamète ne l’est pas, le don de mitochondries devra-t-il être anonyme ou non ? L’ADN de la donneuse est aussi transmis à l’enfant… qui a donc sur le plan biologique trois parents. La loi devra encadrer cette particularité, qui pourrait donner lieu des situations délicates.

Des opposants à cette technique ont porté des accusations d’eugénisme. Ils considèrent qu’elle va trop loin dans la modification génétique. Selon plusieurs sondages, l’opinion publique est réticente pour des raisons d’éthique. Jusqu’où peut-on aller ? Quelle est la limite à ne pas franchir ? Ces questions de bioéthique reviennent sur le devant de la scène. Pour l’heure, cette technique est nouvelle et aucun enfant n’est né grâce à elle. L’avancée des recherches et la gestion du point de vue juridique nous diront dans quelle direction s’orientera finalement le Royaume-Uni sur cette question.

Secrétaire générale de la rédaction du magazine Maze. Provinciale provençale étudiante à Sciences Po Paris. Expatriée à la Missouri School of Journalism pour un an. astrig@maze.fr

You may also like

More in SOCIÉTÉ