Qu’y a t-il de « pyschotrope » à « psychédélique » ? Deux ou trois syllabes certes, mais surtout treize morceaux : les treize morceaux composant le dernier opus de notre américain préféré – mais portugais de résidence – Noah Lennox. Panda Bear Meets the Grim Reaper, cinquième album solo sous son nom Panda Bear du guitariste expérimentaliste d’Animal Collective, est signé cette fois-ci chez Domino Records, maison maintenant habituée aux fantaisies colorées de l’artiste. Panda Bear Meets the Grim Reaper se veut malgré son funeste nom – « Panda Bear rencontre la grande faucheuse » – un album empreint d’une joie tourbillonnante, quasi-enfantine : feu d’artifice de saveurs chaudes. Review.
A la manière d’une Sonia Delaunay ultra sensible, Noah Lennox dévoile ici une surprenante palette de couleurs qui s’entremêlent, se mélangent, se complètent et s’affirment à chaque fois davantage sur chaque morceau. Proposant ici comme à son habitude des sonorités et rythmiques tant expérimentales que trip hop ou encore ambient, toutes aussi texturées et planantes les unes que les autres, l’artiste prend toutefois avec ce nouveau LP un virage radicalement pop en comparaison avec ses anciennes parutions (Tomboy en 2011 ou Personn Pitch en 2007), sans jamais pouvoir se faire qualifier d’easy listening. Pop dans le fond certes, mais la forme que revêt cet album est celle d’un psychédélisme apaisé et joyeux, comme en atteste par exemple le single Mr Noah, qui nous invite – pour notre plus grand plaisir – à nous perdre dans ses méandres bourdonnants et brouillons. Avalanche de chœurs ou de solo vocaux des plus émouvants (pensée au magnifique Tropic of Cancer, à coup sûr un des morceaux phares de l’album), Panda Bear se révèle aussi ici relativement audacieux, beaucoup de tracks arborant avec assurance une facette que l’on pourrait qualifier de « futuriste » (Davy Jones’ Locker et Shadow of the Colossus en sont les exemples les plus probants).
Impressionnant doit être le travail d’écriture qu’a du demander un album de ce calibre, qui arrive aisément à révéler une essence des plus personnelle sous une apparence policée mais affranchie de toutes barrières censoriales. A la sensibilité palpable et à l’affectivité émouvante, PBMTGR est un véritable voyage sentimental et intime. De l’euphorie de Boys Latin au calme de Lonely Wanderer, N. Lennox arrive ici à nous faire passer d’une émotion à une autre au moyen de quelques synthés, quelques voix et d’une profonde sincérité.
Tout aussi impressionnant est la savante utilisation des samples qu’a Panda Bear, avec notamment dans Lonely Wanderer – dont nous parlions tout à l’heure – l’utilisation d’un extrait de l’Arabesque n°1 de Debussy, interprétée par François-Joël Thiollier. Rien de surprenant à cela cependant, le souvenir, par exemple il y a quatre années de cela, du même Panda Bear se plaisant à sampler l’Erik Satie (que nous aimons tous d’amour passionné, rappelons le) sur le morceau Schereazade étant encore frais. Rien de particulièrement novateur techniquement donc, mais lui en tenir rigueur serait dommage, cette même utilisation de sample participant à merveille au caractère ambiancieux et mélodique de la musique de l’ancien new-yorkais.
Ainsi, la force de PBMTGR est sans nulle doute sa cohésion, les morceaux se répondant les uns aux autres, étant tous différents – musicalement, et non qualitativement, rassurez vous -, l’album ne fait que gagner en cohérence. De manière tant dansante qu’introspective ou trippante, Panda Bear a su, de ce fait, avec finesse faire suivre un fil conducteur à ses treize morceaux. Un album qui connaît ses limites, les exploite et qui nous fait rêver : que demander de mieux ?