CINÉMA

20 000 jours sur Terre – Killing The Rock

Quelques accords au piano et cette voix. Grave, théâtrale. Nick Cave est de ces musiciens-comédiens, de ceux qui vivent avec la scène un rapport organique, qui en font un unique moyen d’expression et ultime défouloir. Alors avec 20 000 jours sur Terre, le purgatoire était espéré : Deux heures de musique, de foule en délire ; deux heures de Rock N’Roll. Au lieu de ça, seulement 4 minutes de pauvres répétitions avortées en plein crescendo et un maigre concert planté au milieu du film, allez savoir pourquoi. Quant aux chansons abordées, comme Push The sky Away et ses chœurs d’enfants, elles ont été martyrisés. La chanson est abordée lors d’une répétition mais les enfants bafouillent et le temps qu’ils puissent y arriver, cut. Nick Cave est heureusement son propre acteur et l’interprète de ses compositions. Il évite de justesse le massacre du Rock N’Roll.

Le film sur la vie de Nick Cave, éternel acolyte du barbu Warren Ellis, démarre dans un immense split-screen – littéralement, un écran divisé en plusieurs autres écrans. De son premier cri à ses premiers lives en monochrome, Iain Forsyth et Jane Pollard nous martèlent d’images de la vie de Cave. Après ce sprint immense vers le 20 000ème jour de sa vie, son réveil sonne. Nick Cave l’éteint et se lève d’un lit big size pour aller créer, expliquant alors qu’il est en dehors du monde des humains, en dehors de toute réalité. Il ressasse constamment son passé dans les cartons et les questions. Les voix sont feutrées, le son propre. L’image est soignée, les éclairages aussi : la mise en scène est pensée pour agrandir la valeur du personnage de Nick Cave, comme pour en faire un mythe.  Mais le conte du chanteur torturé et iconique est bien connu. Derrière le masque il y a l’homme. 20 000 Jours sur terre, ce n’est que l’homme ou presque. Nick Cave chez le psy, Nick Cave en concert. Une sorte de Martine à la ferme version Coc’Rock.

20000 jours sur terre

Carlotta Films – Droits réservés

 

Un puzzle de 20 000 pièces trouvé dans une brocante, c’est un peu un cadeau empoisonné. Un puzzle de ce genre (oui, ça fait quand même beaucoup de pièces), ça peut être sympa, nous occuper quelques nuits et nous donner de la patate lorsqu’on en vient à bout. A l’ouverture de la boîte, ça peut être l’apothéose. Mais lorsqu’il manque des pièces, c’est moins sympa. 20 000 Jours sur Terre, c’est un peu ce genre de puzzle : il n’y a que la moitié des pièces, pas les plus belles mais les unies, les morceaux de ciel et de terre. Celles qui font que vous savez où est le haut, où est le bas. Dans le film, on pourrait croire en la présence de deux noyaux durs, de deux scènes autour desquelles tout gravite, comme les coins indispensables du puzzle dans lesquelles les pièces s’agencent.
La scène du psy en fait partie et devient une aiguille, les autres séquences, la botte de foin. On ne sait donc pas en quelle année nous sommes et toute forme de contextualisation est simplement supprimée. Comme si Iain Forsyth et Jane Pollard avaient décidé de transgresser les schémas traditionnels cinématographiques dans la simple envie de se rendre atypique. Plus qu’une transgression des schémas scénaristiques, c’est une transgression de toute logique narrative. Au revoir la cause-conséquence, bonjour l’enchâssement illogique des moments de la vie de Cave. A côté, Pulp Fiction de Quentin Tarantino est linéaire. Le film se croit innovant comme certains se croient subversifs. Renverser les codes ? C’est courageux mais un peu prétentieux. Surprenant et original. Mais ni brillant ni intéressant, et l’unité des 24 h que devait raconter le film est brisée, nos repères, envolés.
Iain Forsyth et Jane Pollard veulent mêler réalité et fiction mais différencient ces deux dimensions seulement par l’esthétique : la réalité est floue, les sons indistincts et la caméra bancale tandis que la fiction sera toujours lissée à la fois dans les voix et dans l’image. La fiction idéalisée, il devient compliqué de retracer la vie de Nick Cave alors le récit se perd dans ses affabulations qui ne parlent qu’aux fans.  Après une introduction magnifiquement mensongère, le futile prend le dessus sur un orgasme pourtant promis.

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