LITTÉRATURE

De la nécessité du féminisme

Récemment le discours d’Emma Watson à l’ONU a fait polémique. Pourtant son message en faveur du féminisme n’a rien de novateur. La médiatisation des propos de l’actrice a néanmoins permis de réaffirmer un programme qui, sur de nombreux points, n’est pas appliqué. Cela a permis également de contrer les mouvements qui refusent la réalité de l’inégalité femmes-hommes. La vague de slogans tels que « I don’t need feminism because… » par exemple, perpétue des stéréotypes sur la« féministe de base  ». Une dominatrice, une castratrice, sans féminité. Or, c’est faire abstraction des faits.

Certaines femmes souhaitent l’égalité homme-femme bien qu’elles portent des robes et se maquillent. Oui, encore aujourd’hui le statut de la femme s’inscrit dans un rapport de soumission à son pendant masculin. Oui, cela arrive également dans des pays dits « développés ». Oui, continuer la lutte de nos aînées est nécessaire. Que ce soit au niveau des inégalités de salaires, des discriminations face à l’éventualité d’une grossesse ou encore des maltraitances et abus comme l’excision, l’égalité homme-femme n’est hélas présente ni dans les mentalités, ni dans la pratique. Des pays tels que la France ont, fort heureusement, beaucoup avancé en la matière depuis le début du XXème siècle, mais les inégalités y subsistent malgré tout. D’autres endroits du globe ont un chemin bien plus long à parcourir. La lutte féministe ne peut donc pas toucher à sa fin. La littérature est là pour nous le rappeler. Petit tour d’horizon d’un monde littéraire qui touche de près ou de loin le thème de l’émancipation de la femme.

 Madame Bovary, ou le désespoir d’une femme qui rêvait trop

Le célèbre roman de Flaubert pourrait s’inscrire dans cette mouvance d’émancipation de la femme. Emma s’affirme en effet comme un personnage féminin des plus révoltés. Son aspiration à une vie idéale et son désespoir typiquement romantique ne peuvent changer sa condition sociale. Tout au long du roman, elle est considérée comme « femme de Charles Bovary » et non comme une entité particulière. Mais celle-ci réussit à briser cette image, tout d’abord en prenant des amants, puis en décidant elle-même de la fin tragique du roman. Elle entraîne ainsi la fin du roman, mais aussi celle de ses proches, et prend donc le contrôle d’un destin qu’elle ne pouvait posséder qu’ainsi. Ses rêves et ses romans d’amour ne suffisaient plus à son existence. La reprise en main de celle-ci ne pouvait passer que par des actes.

La séquestrée, une critique sociale contre les préjugés

Ce recueil de nouvelles, écrit par l’auteure américaine Charlotte Perkins Gilman en 1890, est sans aucun doute une œuvre majeure de la littérature féministe. L’une de ces nouvelles « If I were a man », dénonce les mentalités de l’époque en inversant les rôles au sein d’un couple ordinaire. Mollie Mathewson se retrouve dans le corps de Gerald. Elle décrit alors ses sensations, ses sentiments et les pensées plus ou moins misogynes qui lui viennent à l’esprit en tant qu’homme. Ce passage d’une perception féminine à celle d’un homme permet une comparaison entre deux positions sociales qui, dans les Etats-Unis de l’époque, étaient radicalement opposées. Une vision stéréotypée de la femme qui permet donc une critique brillante d’un rôle social prédéfini.

Mrs Dalloway, vision et importance de la vie intérieure féminine

Ce roman, publié en 1925, innove en décrivant les pensées du personnage principal de l’intrigue, Clarissa Dalloway. Par le bais de la technique du « courant de conscience », c’est-à-dire de la description des moindres pensées de Mrs Dalloway, Virginia Woolf réussit à décrire admirablement la vie d’une femme de l’après-guerre. Des considérations sur le mariage, la société anglaise, la mondanité, mais aussi la perception de la féminité s’y mêlent et s’y emmêlent. Bien que ce roman ne s’affiche pas officiellement comme féministe, il permet une compréhension accrue de la condition de la femme des années 1920. En effet, c’est avant tout une pensée féminine qui s’y affirme avec force.

Le deuxième sexe, incontournable pour les femmes comme pour les hommes

Lorsqu’en 1949, Simone De Beauvoir publie Le deuxième sexe, le livre fait polémique. Cet essai tente en effet de déterminer les causes de l’asservissement social de la femme. Cet ouvrage critique en effet les soi-disant raisons biologiques qui pousseraient les hommes à dominer les femmes. Cela pousse l’auteure à se demander si la soumission féminine ne pourrait être culturelle. Moins ludique qu’un roman, mais beaucoup plus instructif, ce livre décortique les raisons qui ont poussé les femmes à accepter une place prédéterminée au sein de nos sociétés. Une place qui les réduisait à leur rôle de procréation. Une place de dominée face à des hommes dominants.

Ces œuvres ne sont évidemment qu’un petit avant-goût d’une littérature abondante. Au sein de celle-ci, certains ouvrages peuvent parfois se révéler extrémistes, et laisser place à des dérives. Mais il ne faut pas oublier que le but principal du féminisme est l’égalité des sexes. Un renversement du système traditionnel de domination n’est donc pas souhaité. Les femmes ne demandent pas l’instauration d’un matriarcat, elles souhaitent juste une égalité de droit et de fait. Bien sûr, nier les particularités biologiques n’aurait pas de sens. Mais faire subir des discriminations en raison de son sexe n’en a pas non plus.

 

Grande voyageuse (en devenir). Passionnée par la littérature et les langues étrangères. Dévoreuse de chocolat. Amoureuse éperdue de la vie et de la bonne bouffe. "Don't let the seeds stop you from enjoying the watermelon"

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