SOCIÉTÉ

Coup de tonnerre au Royaume-Uni : UKIP fait son entrée au parlement

« Fruitcakes, loonies et closet racists » (tartignolles, cinglés et racistes étriqués) : ce sont les mots que David Cameron avait utilisé en 2006 lorsqu’il était alors chef des Tories afin de désigner les électeurs d’UKIP. Et aujourd’hui : coup de tonnerre dans la vie politique britannique. Pour la première fois depuis sa création, en 1993, le parti anti-immigration et europhobe United Kingdom Independence Party (UKIP) entre au Parlement britannique après la victoire de son représentant, Douglas Carswell, dans une législative partielle.

Des victoires en séries

Carswell était le député sortant, mais aussi le grand favori de cette élection organisée dans la circonscription de Clacton-on-Sea (Essex, sud-est de l’Angleterre). Cette élection n’était d’ailleurs pas un hasard puisqu’il l’a lui-même causée en claquant la porte du parti conservateur au pouvoir à la fin du mois d’août de cette année. A sept mois seulement des élections générales de mai 2015, le score réalisé par Carswell (59.66 %) choque et inquiète les deux grands partis représentés au Parlement, notamment le Labour, dont le candidat Gilles Watling n’a obtenu que 24.6 % des voix.

De plus, UKIP a réalisé un score incroyable dans la circonscription de Heywood et Middleton (Lancashire) face au parti Labour lors d’une législative partielle organisée suite au décès de Jim Dobbin (Labour). En effet, Liz Mclnnes, la candidate travailliste, n’a sauvé le siège que de justesse avec un score de 40.9 %, soit seulement 617 voix la séparant du candidat UKIP John Bickley qui a réalisé un score de 38.7 %. Aux dernières élections en 2010, UKIP n’avait récolté que 2.6 % des suffrages…

Ainsi, la victoire de Carswell ne fait que s’ajouter à celle des élections européennes de mai dernier. En effet, l’arrivée en tête du parti anti-immigration de Nigel Farage lui permet de poursuivre son «  offensive contre Westminster  » aux élections générales de mai 2015. D’ailleurs, il se réjouit de ce choc au sein de la classe politique britannique, expliquant que Westminster ne s’en remettrait pas. « Vous êtes dépassés messieurs, dames, il est trop tard, a-t-il déclaré. Nous avons une classe de politiciens de carrière composée de camarades d’université qui n’ont jamais travaillé de leur vie, sans la moindre relation avec les gens ordinaires ni la moindre idée des épreuves qu’ils affrontent. Nous avons besoin de gens nouveaux. Nous avons besoin de changement, de vrai changement.  »

Douglas Carswell / Source : telegraph.co.uk

Douglas Carswell / Source : telegraph.co.uk

Une évolution fulgurante et des sondages inquiétants

Aux législatives de 2010, le parti de Nigel Farage n’avait obtenu que 3,1 % des voix. Aux élections européennes, le score s’élevait à 25.5 %, avec 24 de ses députés siégeant au Parlement européen.

Aujourd’hui, le parti conservateur du Premier ministre David Cameron et l’opposition travailliste sont au coude-à-coude avec 31 %. Quant aux Libéraux-Démocrates, (intégrés à la coalition au pouvoir), ils n’obtiennent que 8 % selon l’institut Survation qui a interrogé 1 003 personnes via un questionnaire en ligne. Si ces estimations se maintiennent pour les élections générales de mai 2014, alors UKIP pourrait gagner jusqu’à 128 sièges ! C’est du moins ce qu’estime John Curtice, professeur de sciences politiques à l’université de Strathclyde.

Ce bouleversement dans la vie politique britannique qui voit grandir un adversaire de taille amène certains à reconsidérer leur organisation. En effet, des parlementaires conservateurs se sont montrés favorables à la conclusion d’un pacte avec UKIP dans les circonscriptions où Farage pourrait battre le Labour afin d’éviter un éclatement de leur parti du fait d’un éparpillement des voix. Mais le leader UKIP a bien entendu refusé cela, expliquant que son parti n’est “pas une faction dissidente” du parti conservateur.

Pour l’heure, les conservateurs ont donc les yeux rivés sur l’élection législative partielle de Rochester and Strood, dans le Kent, prévue en Novembre. Elle aussi est provoquée par la défection d’un député tory, Mark Reckless.

« La seule alternative au Labour »

Ce qui inquiète dans ces résultats et qui poussent certains conservateurs à chercher une alliance avec UKIP, c’est aussi la sociologie des villes gagnées par le parti. Alors que Clacton présente une situation plutôt singulière, avec un nombre élevé de personnes âgées dans une ville touristique en déshérence, Heywood et Middleton ressemblent à beaucoup d’autres banlieues populaires orientées vers le Labour. Jusqu’à aujourd’hui… Pour Farage, les conservateurs et les libéraux démocrates ont « presque disparu » dans ces grandes villes du nord de l’Angleterre. Et de conclure : «  Nous sommes la seule alternative au Labour pour ces sièges. »

Le Labour est en danger, et il le sait. Un ancien ministre travailliste, Frank Field l’a d’ailleurs bien expliqué : « Des sièges considérés comme sûrs pour le Labour sont en danger. » John Mann, un député du Labour, a quant à lui appelé le leader du parti, Ed Miliband, à «  inclure davantage l’opinion des classes populaires » s’il veut remporter les prochaines élections.

La montée des idées promues par le UKIP : un pas vers le Brexit ?

Nigel Farage / Source : mirror.co.uk

Nigel Farage / Source : mirror.co.uk

Le Royaume-Uni a toujours conservé dans une certaine mesure une forme d’exceptionalisme vis-à-vis de l’Union européenne en négociant des opt-outs sur certains traités, en conservant sa monnaie etc. Malheureusement, cela risque d’empirer. Récemment, le Royaume émettait déjà des doutes concernant son adhésion à l’Union Européenne, certains évoquant un possible retrait. La victoire d’UKIP ne va faire qu’intensifier ces demandes. Leur victoire face aux conservateurs ne va faire que renforcer la position des eurosceptiques au Parlement, dont certains réclament déjà des mesures plus fermes de la part du Premier Ministre, David Cameron en faveur d’une sortie de l’Union. Sous la pression de ce Brexit (British Exit), Cameron a déjà promis l’organisation d’un référendum en 2017 s’il est reconduit.

Des changements au sein de UKIP

Ces succès vont changer les choses pour UKIP. Le parti va notamment gagner davantage d’infrastructures et de moyens financiers afin de pouvoir se mesurer aux deux grands partis.

Douglas Carswell quant à lui est une personnalité forte, ultralibérale sur le plan économique, mais surtout plus ouvert à l’immigration que le leader du parti comme il l’a démontré lors de son discours de victoire. En déclarant que UKIP doit « être un parti pour toute la Grande-Bretagne, pour tous les britanniques, de la première, de la seconde génération, autant que des suivantes », Carswell faisait ainsi un pied de nez aux tendances racistes de son parti. En effet, au même moment, Farage déclenchait une polémique en demandant, le plus sérieusement du monde, que les étrangers positifs au VIH soient interdits d’immigrer.

UKIP au Parlement… Européen. Sauvé de justesse

Robert Jaroslaw Iwaszkiewicz / Source : wiadomosci.wp.pl

Robert Jaroslaw Iwaszkiewicz / Source : wiadomosci.wp.pl

Alors que Nigel Farage avait perdu son groupe au Parlement européen ce mois-ci en raison du retrait d’une députée lettone, le groupe est en passe d’être reconstitué. En effet, le député polonais d’extrême-droite, Robert Jaroslaw Iwaszkiewicz, du Congrès de la Nouvelle droite (KNP) a rejoint le groupe de Farage.

Cette nouvelle personnalité ne fait pas l’unanimité cependant. Habitué des provocations antisémites, le Congrès de la Nouvelle droite, parti dirigé par le monarchiste et ultralibéral Janusz Korwin-Mikke, avait déclenché une polémique au Parlement européen en comparant les jeunes chômeurs à des “nègres”. Pendant la campagne des élections européennes, il avait également expliqué que « le Führer du IIIe Reich n’était pas au courant de l’extermination des Juifs”.

Attachée de presse de cinéma et blogueuse, je fais partie de l'équipe de Maze depuis plus de quatre ans maintenant. Le temps passe vite ! Je suis quelqu'un de très polyvalent: passionnée d'écriture ("j'écris donc je suis"), de cinéma (d'où mon métier), de photo (utile pour mon blog!), de littérature (vive la culture !) et de voyages (qui n'aime pas ça?). Mon site, www.minimaltrouble.com, parle de développement personnel, de productivité, de minimalisme mais aussi de culture :)

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