MUSIQUE

New Wave du 21ème siècle : La Femme

Parlons peu, parlons bien, parlons de la femme. Il ne s’agit pas là de faire l’apologie de cet être égal à l’homme, non loin de là. La Femme dont je vous parle est composée de 5 personnes totalement hors des limites, hors du monde et hors des sentiers battus de la musique.

Le groupe est né de la rencontre de jeunes adultes désireux de voir leur monde changer mais n’ayant pas les moyens d’agir à grande échelle. Ils se sont donc réunis afin d’exprimer leurs opinions, de manière assez décalée mais toujours consciente. Sacha, Marlon, Sam, Noé et Clémence forment ainsi ce groupe inattendu, surprenant et désopilant qu’est La Femme. Ils surfent pour ainsi dire sur la nouvelle vague, ou new wave. Ce style musical influence énormément leurs sonorités. Des groupes comme Marie et les garçons ou encore Taxi Girl sont certainement à l’origine de leurs chansons en apparence fraîches et accessibles.

Même si leurs chansons paraissent à première vue psychédéliques et délirantes, il ne faut certainement pas se borner et arrêter d’écouter sous prétexte qu’il n’est question que de bruits et de phrases mises bout à bout sans lien entre elles. Je ne nie pas, et personne ne nie, que cette musique paraît très spartiate et issue d’un pari débile entre copains. Néanmoins, les membres du groupe, aussi perchés qu’ils puissent paraître, renferment en eux un savoir inouï et une culture parfaitement mise à profit. Les textes, aux apparences innocentes et irréfléchies, sont en fait des océans de références culturelles s’étalant à travers les âges.

Mais que seraient ces textes s’ils étaient mal interprétés ? Rien, absolument rien. Il faut rendre à César ce qui appartient à César, ou plutôt rendre à Clémence Quélennec tout le mérite que l’on doit lui attribuer. Ce petit bout de femme est en réalité une boule d’énergie capable de tenir plusieurs heures en live sans jamais perdre une once de sa bonne humeur et de son talent de show girl. En plus de chanter, elle apporte au concert une dimension féminine bien nécessaire à La Femme paradoxalement composée majoritairement d’hommes. Ses explosions de voix, ce cocktail survitaminé de cris maîtrisés et d’envolées rares mais impressionnantes, et ce physique avantageux qui ne fait qu’attirer le regard, ne font qu’augmenter la valeur de ce groupe de la nouvelle scène française.

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En ce qui concerne les textes, pourquoi ne pas avoir un bref aperçu de tous ces titres marquants que nous offrent la gente masculine de cette femme ?

Anti Taxi, premier titre proposé par cette femme aux yeux vides, adepte du top-less et de voyeurisme, est une belle entrée en matière. Subtilement, elle nous amène a ressentir l’ambiance que l’album dégagera durant 58 minutes. Des bruits indéfinissables aboutissent, après plusieurs secondes d’une attente démesurée, aux premières notes synthétisées et pourtant si réelles a l’oreille. Durant tout le morceau, on ne cesse d’entendre une petite voix espiègle nous répéter de ” prendre le bus ” sous prétexte qu’elle est “anti-taxi”. Jusqu’ici rien de transcendant, et pourtant le simple fait de répéter sur plusieurs tons et avec plusieurs intonations ce leitmotiv , donne au récepteur une sensation de révolte intérieur propice a comprendre le reste des chansons. Tout est calculé.

Vient ensuite le premier étage du perchoir, Amour dans le Motu.  Je lance a quiconque le défi de comprendre le sens de cette chanson sans louper aucune référence et en interprétant correctement chaque formulation.  En apparence il s’agit d’une chanson sur le meurtre et sur les remords ici atténués par la prise de substances fortement déconseillées. On n’en saura jamais vraiment plus, ni sur le pourquoi du comment, ni sur l’identité de l’assassin, et encore moins sur les circonstances de ce meurtre.

Le troisième titre est une sorte de mise en garde. Au rythme de percussions exotiques, Clémence nous chante la compréhension deLa Femme, au sens large du terme, par La Femme. Une sorte de vampire aux “ongles tentaculaires” qui nous promet le grand frisson a coup d’allitérations sifflantes, si quiconque tente une approche, même très légère.

Nous en arrivons au meilleur titre de ce groupe, selon moi : Hypsoline. Le titre se suffit a lui même, incompréhensible mais attirant voire envoûtant, il est là dans la continuité du morceau précédent mais présente quelques différences. La plus grande est sûrement le changement radical de style au niveau de l’écriture. Il est question d’Anastasia, de saumon, de napalm, de folie, de propanol et de mole. Bien sur tous ces mots sont placés dans des phrases bourrées de sens et de sous entendus. Je pense que chacun peut se faire sa propre interprétation d’Hypsoline, vous livrer la mienne gâcherait le plaisir d’imaginer tout et son contraire après chaque écoute.

Pour terminer, il nous faut parler de ce morceau qui n’est certainement pas négligeable :  Si un jour. Il traite d’un problème de société de plus en plus présent de nos jours. Il suffit de lire ces quelques phrases pour comprendre : “Mais moi j’aimerais vraiment pouvoir abandonner mon Moulinex, devenir unisexe. Pour savoir cracher, fumer toute la journée, marcher tout en sifflant, porter des pantalons” Bien plus qu’une terrible envie de changer de sexe, il s’agit d’un message a toutes les personnes ressentant le besoin d’exprimer leur vraie personnalité, peu importe le regard que les autres pourront porter sur eux. Tout ceci enrobé de boite a rythmes, de synthétiseurs démangés par une terrible envie de changer eux aussi, et d’un auto-tune changeant légèrement la voix de notre chanteuse favorite pour la faire paraître un peu plus robotisée et par conséquent plus conforme à ce que l’on attend d’elle… Réfléchi dans les moindres détails, n’est-il pas ?

En bref, pour tous les amateurs de psyché, de new wave ou simplement de voyage musical, il est indispensable de compter « Psycho Tropical Berlin » premier album de La Femme parmi ses incontournables. Ce groupe est sans aucun doute l’avenir de la musique française que l’on voit exploser petit a petit ces derniers temps. Pour cela il faut bien sur accepter d’être aveuglé par cette dynamite en or qui promet un feu d’artifice émotionnel. Sans crainte, vous laisserez ce disque tourner plusieurs fois dans la journée, les sonorités s’incrusteront dans vos têtes mais vous ne voudrez certainement pas les en faire sortir. Vous vous demanderez si ça valait vraiment le coup d’écouter cet Ovni. Mais une fois le contact avec la réalité repris, vous n’aurez qu’une envie, retourner dans ce paradis musical.

Directrice de la communication, tout droit venue de Belgique pour vous servir. Passionnée de lecture, d'écriture, de photographie et de musique classique.

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