États-Unis, avant la crise de 1929. À cause de l’immigration massive, les rues de New-York se trouvent remplies d’enfants. Le gouvernement décide donc de régler ce problème en les envoyant massivement dans des trains, à travers le pays. Ils sont désignés comme “orphelins”, mais uniquement parce qu’ils vivent dans la rue. Certains avaient leurs parents. De nouvelles vies commencent alors pour ces enfants, mais tout ne se passe pas forcément pour le mieux. Quelques uns sont adoptés par des familles aimantes, mais d’autres sont séparés de leurs frères et sœurs, obligés de travailler.
Dans la bande dessinée de Philippe Charlot illustrée par Xavier Fourquemin, nous rencontrons Jim, Joey et leur petite sœur Anna. Ils ont été abandonnés par leur père et ont voyagé dans ce train lorsqu’ils étaient enfants. Le gentil Jim, le Joey râleur et la petite Anna, mal aimée des deux autres, une fratrie à laquelle on s’attache dès le début. Alternant entre passé et présent, nous découvrons leur histoire. Une histoire qui s’enrichit et que l’on comprend de mieux en mieux au fur et à mesure de notre lecture. Des couleurs chaudes avec une grande présence de marron pour le passé, plus froides avec du bleu et du gris pour le présent, tout est pensé pour une compréhension facile.
Actuellement, deux premiers cycles sont parus et un troisième est en préparation. Chaque cycle comporte deux tomes et une intrigue différente, de façon à pouvoir s’arrêter en fin de cycle sans ressentir de frustration. Avec des dessins agréables et une histoire passionnante, cette série se lit rapidement et saura ravir tous ses lecteurs.
Plus que de simples bandes dessinées, c’est un véritable voyage dans le temps qui nous est offert. Nos personnages sont fictifs, mais ces trains ont bel et bien existé. Il est parfois difficile d’imaginer la façon dont a pu se dérouler un passage de l’Histoire (historique, avec un grand H) et c’est pour cette raison que cette série de BD est géniale. Les grands comme pour les plus jeunes découvrent une époque pas si lointaine, mais si différente de la nôtre. Et c’est une découverte qui se déroule tout en douceur, car elle commence dans les années 90, alors que nos personnages ont vieilli…
Philippe Charlot, scénariste, a entendu parler du train des orphelins par Phil Lancaster, un de ses amis habitant dans l’Arkansas. Avec sa femme, Phil Lancaster tourne avec un spectacle dans une grande partie des États-Unis depuis maintenant dix-sept ans pour faire connaître ce qu’ont vécu les enfants de ces trains. Il s’est retrouvé passionné par cette histoire et a rencontré une trentaine de ces enfants d’autrefois. Il n’est pas près d’oublier certaines de ces rencontres et a accepté de nous en parler.
« Une fois, à Little Rock, un monsieur de 91 ans s’est présenté à notre spectacle. Nous n’étions pas au courant. Il était en larmes et nous a dit qu’ils avaient donné une chance à ces orphelins et que même si il ne savait pas d’où il venait, il y avait quelque chose de bon dans l’organisation de ce voyage. Ensuite, tout le monde était en larmes. » explique-t-il.
Phil Lancaster nous raconte aussi l’histoire d’un homme, arrivé en ville à Wellington sans savoir qu’un de ces trains était arrivé. En comprenant que des enfants étaient là pour être adoptés et comme tout allait bien dans sa vie, il a décidé d’en adopter un. Il a pris un enfant par la main, et s’est alors rendu compte qu’il tenait la main de son frère. Ne souhaitant pas les séparer, il a choisi d’emporter les deux garçons. Mais chez lui, il avait déjà deux filles. C’était à la période de Noël et ne sachant pas comment annoncer l’adoption des deux petits garçons à sa famille, il les a cachés sous un drap dans sa voiture et a envoyé ses filles les chercher. Ça a été pour elles un cadeau de Noël merveilleux. Bien sûr, tout ne se passait aussi bien que ça.
Nous ne savons pas tout ce qui est arrivé à tous ces enfants, plus de 250 000 ont été déplacés entre 1854 et 1929. Il y a du positif et du négatif dans ces voyages, mais ils resteront en partie bien mystérieux car beaucoup de ces enfants ont aujourd’hui disparu avec leurs histoires.