SOCIÉTÉ

UMP – Bygmalion : La mort de la droite française ?

Révélations du Point puis de Libération, accusations de l’avocat de Bygmalion, confessions de Jérôme Lavrilleux : depuis plusieurs semaines, l’étau se resserre autour de l’UMP et de son président à propos des fausses factures qui entacheraient les comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Si le scandale est surtout politique et judiciaire, les conséquences politiques pour la droite française risquent d’être immensément lourdes.

Copé et Sarkozy : les grands perdants ?

Jérôme Lavrilleux, directeur de cabinet du président de l’UMP, l’a affirmé au micro de Ruth Elkrief sur BFM TV le 26 mai dernier : ni Jean-François Copé, ni Nicolas Sarkozy n’étaient au courant du système fausses factures faites par Bygmalion à l’UMP concernant les meetings de la campagne présidentielle de 2012. Et pourtant ce sont bien ces deux “présidents” qui pourraient le plus pâtir de cette affaire. Jean-François Copé d’abord, n’ayant d’autre choix que la démission, sa légitimité étant déjà contestée par la moitié des militants depuis son élection controversée à la tête du parti gaulliste en octobre 2012. S’il s’avère que le désormais ex-président de l’UMP n’étaient effectivement pas au courant de l’escroquerie, cela veut dire qu’il a été abusé par ses plus proches collaborateurs : Jérôme Lavrilleux et Bastien Millot (co-fondateur de Bygmalion), deux hommes qui sont ses “créatures” politiques, et qui auraient poignardé leur maitre dans le dos. Ces deux collaborateurs sont décrits si proches de Copé depuis le début de l’affaire qu’il semble difficile à croire que ce dernier n’ait pas été au courant du micmac financier en cours dans son propre parti. Surtout qu’en tant que président, il a forcément eu à signer des ordres de paiement, pour ces conférences qui n’ont jamais existé. Libération a d’ailleurs publié des documents où était apposée la signature de Jean-François Copé.

Quand à l’ancien président de la République qui orchestre savamment son come-back politique depuis sa défaite au soir du 6 mai 2012, on ne compte plus les affaires qui le touchent de près ou de loin : sondages de l’Elysée, affaire Bettencourt, écoutes téléphoniques, financement lybien de la campagne de 2007… Si Nicolas Sarkozy est toujours évoqué, il n’est jamais directement mis en cause. Il ne sera sûrement pas inquiété par la justice dans le cadre de ses comptes de campagne, d’autres ayant décidé de gré ou de force de porter le chapeau. Mais à force d’affaires, la capacité de Nicolas Sarkozy à se poser en sauveur de la droite pour 2017 pourrait se retrouver limitée.

Le retour en grâce de la ligne centriste

Copé débarqué, il fallait bien assurer la vie de l’UMP jusqu’au congrès extraordinaire qui sera organisé en octobre prochain. Et ce sont trois anciens premiers ministres qui ont été choisi pour assurer l’intérim : Jean-Pierre Raffarin, François Fillon et Alain Juppé. Car il faut le dire, l’éviction de Copé et les difficultés de Sarkozy ne portent pas vraiment la ligne droitière de l’UMP au plus haut. On a choisi les tenants d’une ligne plus modérée, qui ne cesse les appels du pied aux centristes depuis la victoire du Front National au soir des élections européennes, pour tenter de sauver la droite française. Le salut passerait donc par le centre.

Battu de façon irrégulière selon lui lors de la course à la présidence du parti en 2012, François Fillon savoure sa revanche et regarde son meilleur ennemi sombrer lentement. Il s’imagine déjà bien investi par le biais des primaires de la droite en 2016, débarrassé de Copé, et de Sarkozy qui ne pourrait peut-être pas revenir et court-circuiter la révolution démocratique de l’UMP comme il l’envisageait certainement. Alain Juppé, lui, se voit plutôt en sauveur. Peut-être se contenterait-il du poste de président de l’UMP ? Même s’il ne pourrait pas participer aux primaires et ne serait pas présidentiable, il aurait l’avantage de pouvoir dicter le rythme de la ligne politique. C’est-à-dire, faire passer l’intérêt supérieur de la droite devant son éventuelle ambition présidentielle.

Ne rien céder à Marine Le Pen

L’impopularité de l’exécutif conjuguée à l’impossibilité pour la droite de se reconstruire depuis la défaite de 2012 a indéniablement profité à Marine Le Pen et à son Front National. Avec 25 % des voix exprimées lors des élections européennes, le parti d’extrême-droite apparaît comme le premier parti d’opposition à François Hollande et à la gauche, le seul capable d’occuper le flan droit de l’échiquier politique, surplombant ainsi une UMP exsangue et en ruines. Le Front National est en passe de gagner la bataille culturelle : d’un vote de protestation, on est passé à un vote d’adhésion pour des solutions simplistes à la crise comme la “préférence nationale”, la fermeture des frontières, ou la sortie de l’Union Européenne.

Sans ligne politique claire, et sans leaders honnêtes pour recomposer la droite gaulliste, la montée du Front National ne s’arrêtera pas. L’UMP de la ligne Buisson est mort. Les déclarations de certains responsables du parti gaulliste sur les étrangers ou les musulmans ont bien sûr contribué ces dernières années à banaliser les thèses du Front National, comme le débat sur l’identité nationale organisé par Sarkozy. La survie de l’UMP, si elle est possible après ce désastre politico-judiciaire, passera par l’arrêt de la porosité entre les thèses nauséabondes du Front National et la ligne politique de la droite traditionnelle. Et aussi certainement par une nécessaire purge de toutes les brebis galeuses qui ont trempé, de près ou de loin, dans les magouilles du clan Copé.

You may also like

More in SOCIÉTÉ