SOCIÉTÉ

La descente brutale de Silvio Berlusconi : entre carrière politique déchue et cure de personnes âgées

A 77 ans, Silvio Berlusconi n’a pas fini de faire parler de lui. Déjà engagé dans une affaire de drogue avec “La Dame Blanche”, condamné pour fraude fiscale qui lui a valu une exclusion du Sénat, incarcéré pour prostitution de mineure et entendu pour corruption, le politique italien n’a, depuis peu, plus le droit d’exercer en politique pendant deux ans. Mais ce n’est pas tout, il doit aussi effectuer des travaux d’intérêt général en maison de retraite. Que reste-t-il réellement de Silvio Berlusconi ?

Une carrière politique bloquée pendant deux ans 

Le 18 mars dernier, la Cour de Cassation a condamné l’ex-Premier Ministre à une interdiction de mandat public pendant une durée de deux ans et l’a privé du droit de vote. Le procès Mediaset, lui infligeant cette peine, complète la peine qu’avait appliquée la Cour d’Appel de Milan au mois d’octobre dernier et rappelle sa condamnation à quatre ans de prison, dont trois en sursis dû à “son âge avancé et son casier vierge“. Le 10 avril, ses avocats et lui-même ont décidé de remplacer la peine d’un an d’emprisonnement par des travaux d’intérêt général… en maison de retraite.

Des rumeurs couraient sur l’homme âgé de 77 ans quant à sa participation en tête de liste aux européennes. Son conseiller, Giovanni Toti, avait d’ailleurs déclaré que “empêcher Silvio Berlusconi d’être candidat serait une grave atteinte du droit des modérés italiens à être représentés” et “une violation de la démocratie”. Si l’on en croit ses dires, les juridictions ont violé la démocratie en le privant de ce droit et en ne lui laissant que la possibilité de faire campagne en tant que président de la Forza Italia, parti du centre-droit italien. Il est donc possible de s’interroger sur le bien fondé de son conseiller politique, aussi rigoureux que le politique en lui-même.

Le procès du 10 avril permettant à Berlusconi “de jouir de son bonheur des travaux d’intérêt général”

Le plus grand dilemme de la Cour fût de trancher entre la peine d’emprisonnement et les travaux d’intérêt général. Sans contester le caractère légitime de la décision, la juridiction statua qu’en raison de son âge, de son caractère inoffensif, et de son casier vierge, l’homme ne méritait pas la prison. Un de ses proches déclara que “s’il est condamné aux arrêts domiciliaires, la peine est appliquée immédiatement, pratiquement dès le lendemain, mais s’il obtient les TIG alors cela peut demander un ou deux mois de plus, le temps de décider où il ira, qui sera le responsable qui le suivra…”

Silvio Berlusconi chez les personnes âgées : “Cela me fait plaisir.”

Le tribunal de surveillance m’a obligé à consacrer une partie de mon temps aux personnes en difficulté : cela me fait plaisir car dans ma vie j’ai toujours effectué des activités de soutien“. Quelle belle phrase moralisatrice de l’ancien politique italien. Lors d’une conférence de presse pour le lancement de la campagne de son parti aux prochaines élections, l’homme de 77 ans a déclaré solennellement qu’il “chercherait à être utile” à la Fondation Sacra Famiglia. Ce centre, près de Milan, assiste plus de 2.000 handicapés et personnes âgées et aura le plaisir d’accueillir chaque samedi, au moins quatre heures d’affilée, Silvio Berlusconi.

Évidemment, ce n’est pas une première pour le politique qui, même avant sa peine, était le seul entrepreneur en Italie à n’avoir jamais eu un seul jour de grève de toute sa carrière. Il a même eu l’audace d’affirmer que, déjà auparavant, tous les samedis matins lorsqu’il était à la tête de Fininvest, il se rendait auprès des malades et des hospitalisés “recevant en retour une grande affection“. Le tribunal a été plus que conciliant avec l’homme politique puisqu’il aura même le droit de se rendre à Rome deux fois par semaine pour assurer la campagne de son parti pour les européennes du 25 mai 2014.

“Pour les Allemands, les camps de concentration n’ont jamais existé.”

Sa campagne pour la présidence de la Commission européenne s’est vue entachée par un sérieux dérapage verbal. En effet, Silvio Berlusconi s’en est pris directement au socialiste Martin Schulz en déclarant : “Pour les Allemands, les camps de concentration n’ont jamais existé.”

Revenons à l’origine de ces propos. L’histoire débute il y a 11 ans, en 2003, lors d’une séance au parlement européen. L’ex-chef du gouvernement italien avait conseillé à Martin Schulz, député durant ce temps, de prendre le rôle du “kapo” (gardien en chef dans les films sur les camps de concentration nazis). Revenant sur sa phrase devant des militants le 27 avril 2004, il avait eu l’audace de déclarer : “Je ne voulais pas l’insulter, mais ça avait fait scandale, parce que pour les Allemands, les camps de concentration n’ont jamais existé. Ceux de Katyn oui, mais les camps allemands non.”

A notre époque où certaines périodes de l’histoire sont encore tues et honteusement passées sous silence, établir une distinction entre les camps soviétiques d’extermination et les camps allemands de concentration est forcément mal reçu par l’opinion publique. Silvio Berlusconi a d’ailleurs terminé ses propos par une déclaration forte : “Il y a ce Monsieur qui s’appelle Schulz auquel j’avais fait involontairement une campagne extraordinaire, un Monsieur qui n’a en sympathie ni Berlusconi ni l’Italie, voter pour la gauche signifie voter pour lui”.

Des réactions en chaîne

“Ces commentaires sont une insulte à l’ensemble du peuple allemand, pas seulement pour Martin Schulz. C’est aussi une tentative cynique pour distraire [les électeurs] des vrais problèmes qui sont la nécessité de davantage d’emploi et de croissance en Europe.”

Tels sont les propos de Sergueï Stanichev, président du Parti des socialistes européens. Les paroles de Silvio Berlusconi ont été immédiatement dénoncées par Stanichev, qui les a qualifiés de “méprisables”. Il appelle tous les dirigeants du Parti Populaire Européen, dont fait partie Forza Italia (ainsi que leur candidat à la présidence de la Commission européenne Jean-Claude Juncker) à condamner ces phrases.

Une autre réaction est celle de David Sassoli, dirigeant du Parti démocrate au parlement européen. Le politique a en effet énoncé une constatation et une interrogation importante : “Après des déclarations aussi délirantes, comment feront les députés de Forza Italia pour être accueillis au sein du parlement européen et pour travailler avec les représentants de l’Allemagne démocratique née sur les cendres des camps de concentration nazis ?”.

Tandis que certains pensent déjà le parti condamné aux élections, d’autres ne voient qu’en les phrases de Berlusconi, une analyse personnelle de faits historiques sans grande importance. C’est ainsi le cas de Giovanni Toti répliquant que “toute occasion est bonne pour attaquer Silvio Berlusconi. Il me semble peu correct de transformer une analyse historique faite par le président Berlusconi dans le cadre d’un raisonnement complexe et de l’instrumentaliser à des fins strictement électorales”.

Rédacteur et Correcteur chez Maze Magazine, également fondateur et rédacteur en chef du site web d'actualité lecontinu.fr Étudiant en droit, il réalise également son premier court-métrage pour le Nikon Film Festival et est scénariste sur des projets en développement.

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