MUSIQUE

Un ovni auditif nommé Wrong Cops

Le nouveau film de Quentin Dupieux alias Mr Oizo est sorti ! Et qui dit nouveau film avec l’Oizo, dit nouvelle bande originale. Pour Wrong Cops, il nous propose un best-of composé de 21 titres. Délire auditif pour délire visuel, un seul mot d’ordre : NO REASON !
Nous sommes prévenu : “Los Angeles 2014, Duke, un flic pourri et mélomane, deale de l’herbe et terrorise les passants. Ses collègues au commissariat : un obsédé sexuel, une flic maître chanteur, un chercheur de trésor au passé douteux, un borgne difforme se rêvant star de techno… Leur système fait de petites combines et de jeux d’influence se dérègle lorsque la dernière victime de Duke, un voisin laissé pour mort dans son coffre, se réveille.” Ambiance.
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Inspiré par l’un des personnages secondaires de son film précédent, Wrong, Dupieux réalise Wrong Cops Chapter 1, un court-métrage dans lequel figure entre autre, Marilyn Manson dans un rôle de gamin introverti, à mille lieues de l’image publique dégagée par l’Antichrist autoproclamé. Grisé par l’expérience et les comédiens qu’il contacte pour le projet, il écrit puis tourne le long métrage Wrong Cops, le montage se termine en août 2013, peu avant la présentation du film au Festival de Locarno.
Les acteurs sont tous formidables, du plus petit rôle au plus conséquent, nous avons à faire à des personnages à la fois totalement cinglés, absurdes et à la fois touchants, humains. Un melting pot de ce que nous à toujours proposé Quentin Dupieux, en somme. L’animal nous livre sans doute son film le moins “bizarre”, tout reste relatif quand on parle d’une oeuvre de Oizo. Mais ce sentiment ressort, tout comme son film paraît être le plus abouti de sa carrière. Plus premier degré que ses prédécesseurs, tout en gardant le même ton, le même monde, un véritable régal. Tout ça est bien joli certes, mais nous sommes dans la rubrique musique me direz vous, eh bien justement. Arrivons au sujet, la grande nouveauté de Wrong Cops dans la filmographie du cinéaste est l’omniprésence de la musique dans son film.
En effet, la musique du film n’a pas juste valeur d’accompagnement, le réalisateur met en scène le processus de création musicale, l’écoute de la musique, le jugement qu’on peut avoir sur un morceau. Oizo déclare “L’idée était de traduire ma musique en image. Faire un clip c’est déjà un peu la même ambition, mais c’est moins satisfaisant.
La première chose frappante est que pour la première fois, Oizo ne compose pas de nouvelles chansons comme à l’accoutumée pour son film mais va se servir de tout ce qu’il a pu produire en plus de quinze ans. Aucune création musicale pour ce film, qui pourtant traite de cet aspect dans plusieurs scènes. Grâce au personnage du flic difforme, magistralement interprété par Eric Judor, on assiste à la composition d’un morceau, au jugement de ce dernier jusqu’à l’étape finale : la tentative d’une signature d’un contrat dans une maison de disque.
Wrong-Cops-–-Chapter-One
Les personnages sont pour la plupart tous liés d’une manière ou d’une autre à la musique. L’officier Duke, mélomane qui pense avoir le monopole du bon goût et le droit de juger tout ce qu’il entend quitte à être odieux. Odieux par exemple, lorsque son ami Rough lui demande un avis sur son morceau, ou bien totalement odieux psychopathe lorsqu’il va carrément séquestrer le pauvre adolescent David Dolores Frank pour lui faire faire ses devoirs. Chez l’officier Duke, donner les devoirs à un ado réside à le ligoter dans un appartement, se mettre en slip et lui faire écouter de la techno en poussant les décibels. Le jeune D.D Frank, interprété par un extraordinaire Marilyn Manson, en sera traumatisé ; lui qui n’avait rien demandé et qui écoutait “de la techno allemande merdique” (dixit Duke), dehors tranquillement dans son casque.
Rough est sans doute le personnage le plus touchant. Se rêvant star de techno, il est obnubilé par les sons qu’ils travaillent. La scène entre lui et le producteur de musique est fort intéressante, renvoyant à ce que n’importe quel artiste peut vivre, et ce que Oizo a vécu lui même. Le producteur explique à l’officier que du point de vue de l’image et du marketing c’est parfait, croyant à un déguisement de ce pauvre borgne, mais qu’il lui manque quelque chose : le talent. Cette scène est intéressante car elle décrit le système musical aussi bien du côté de l’artiste, que du producteur. Plusieurs lectures sont d’ailleurs possibles. Mr Oizo dira de cette scène : “La scène de la maison de disque est écrite pour l’écran mais c’est le genre de situations que j’ai vécues, ces moments de gêne où on comprend trop tard qu’on n’est pas devant la bonne personne.” La fin du film soulève un autre point fort intéressant, la perception. En l’occurrence, ici, du morceau de Rough, qui le fait écouter aux officiers Brown et Regan, qui vont adorer. Le morceau que l’on entend n’est alors plus “Stunt” comme depuis le début du film, mais “Positif“, célèbre morceau de Oizo.
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Le troisième personnage très lié à la musique, est le voisin de Duke (on vous laisse deviner qui lui a tiré dessus). Agonisant soit dans le coffre d’une voiture, soit chez l’officier Rough pour la plupart du temps, ce voisin moribond va se muer en consultant musical. A moitié mourant dans le coffre, il va soudainement retrouver un peu d’esprit pour demander à Duke le titre de la chanson qu’il écoute. Il va sans cesse réclamer de la musique tout au long du film, comme si cette dernière le maintenait en vie, ou plutôt en survie. Là encore, sans doute plusieurs lectures possibles. Derrière l’absurde au premier plan, Dupieux soulève toujours des propos pertinents, ce qui en fait la force de son art de “dégénéré” comme il le dit si bien lui même. Ce fameux voisin ira même jusqu’à travailler sur le morceau de Rough, ajouter le petit truc qui manquait au morceau, toujours dans un état à moitié mourant ; pendant que ce dernier s’occupait de sa voisine nymphomane, qui elle, trouve le morceau atroce.
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Mais ne nous méprenons pas, ce film n’est pas un film musical malgré l’omniprésence de celle-ci. Dupieux avec Wrong Cops manie et assemble avec brio les deux arts pour lesquels on le connait, le cinéma et la musique. On ne peut que vous conseiller de filer dans une salle noire pour passer un moment agréable devant ce film absurde, touchant, poétique, agressif, doux et réaliste.
Je voulais faire une conclusion à cette article et puis j’ai refusé, pourquoi ? No Reason !
La bande originale de WRONG COPS de Quentin Dupieux aka Mr Oizo, disponible en digital, CD et double vinyle chez Ed Banger Reocrds / Because Music.
Remerciement à Ufo Distribution : http://www.ufo-distribution.com
QuentinDupieux_Headshot

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