SOCIÉTÉ

Le pacte de responsabilité : décryptage

On entend beaucoup parler du « pacte de responsabilité » proposé par le gouvernement dans les médias. Mais de quoi s’agit-il exactement ?

Le pacte de responsabilité est une mesure annoncée par le président François Hollande lors de ses vœux aux Français le 31 décembre 2013. Selon les termes du président, il est « fondé sur un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en même temps, une contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social ». C’est une politique du « donnant-donnant » comme le titrent Alternatives Économiques ou encore Les Échos : d’un côté le président Hollande propose de réduire une nouvelle fois les charges qui pèsent sur les entreprises, au-delà des 20 milliards du crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE), et il leur demande, en échange, de souscrire des engagements sur le plan de l’emploi. Le chef économiste euro à Société Générale, Michel Martinez, considère d’ailleurs qu’il est bien que le gouvernement se préoccupe des faibles marges des entreprises, un pacte de « progrès essentiel », estime, dans la même veine, Claude Bartolone, le président de l’Assemblée Nationale.

Le contenu de ce pacte se développe en trois volets :

  •    d’une part, un allègement des coûts du travail de 10 milliards qui viendraient s’ajouter aux 20 milliards du pacte de compétitivité mis en place suite au rapport sur la compétitivité française ;
  •     d’autre part, une modernisation de la fiscalité ;
  •     et enfin des mesures de simplification des normes et procédures.

Retour sur le calendrier de ce pacte et ses modalités

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Reuters

Le renversement de la courbe du chômage, première bataille du gouvernement, n’a pas été un grand succès jusqu’ici. François Hollande a donc lancé, lors de ses vœux aux Français, le 31 décembre 2013, une stratégie nouvelle constituant un tournant pour la gauche : travailler en concertation avec le patronat pour lancer un « pacte de responsabilité ».

C’est lors de sa conférence de presse du 14 janvier qu’il s’est davantage exprimé sur les modalités du pacte. Il s’agit d’inciter les entreprises à embaucher, en réduisant les cotisations qui pèsent sur l’emploi, et en simplifiant les normes de procédures administratives afin de promouvoir plus de souplesse et d’initier le chantier nécessaire d’une réforme du système fiscal français. Le président de la République a donc proposé de supprimer, d’ici à 2017, les cotisations familiales, payées par les entreprises et les travailleurs indépendants pour financer la branche famille de la Sécurité sociale. Cela représente 30 à 35 milliards d’euros par an, même si, en réalité, de nombreuses entreprises bénéficient déjà d’exonérations. Durant cette conférence, il a ajouté : « Il n’y aura pas de transfert de charges des entreprises vers les ménages (…) qui ne le supporteraient pas ». Il ne veut pas augmenter les impôts des particuliers, et ne peut pas creuser le déficit, déjà trop élevé selon les critères de la Commission européenne.

De plus, le gouvernement avait déjà mis en place dès 2012 un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Cet avantage fiscal, qui représente pour les entreprises bénéficiaires 4 % de la masse salariale des salariés en 2013 et 6 % les années suivantes, constitue déjà une baisse des charges sociales. Or ce dispositif, qui atteindra 20 milliards d’euros en 2015, devrait être refondu dans le cadre du « pacte de responsabilité ». Il faut donc puiser dans les caisses entre 10 et 15 milliards d’euros supplémentaires par an. Seule solution trouvée : réduire encore les dépenses publiques avec un objectif de 50 milliards d’euros d’économies supplémentaires entre 2015 et 2017, en plus des 15 milliards de 2014, cependant les modalités de cette réduction des dépenses publiques n’ont pas encore été rendues. Elles pourront concerner un gel du nombre de fonctionnaires voire leur réduction, le gel de leur point d’indice, des coupes dans certains secteurs…

La création d’emplois : oui mais combien ?

 

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Jacques Demarthon – AFP

Mi-janvier, le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, affirme qu’il est possible de créer « deux millions d’emplois » grâce à ce pacte tandis que le Medef estime qu’un allègement de 100 milliards des charges sociales conduirait à la création de un million d’emplois… Mais dans une note publiée mercredi 26 février, le Haut Conseil de la protection sociale estime qu’un allègement de 10 milliards d’euros supplémentaires ne permettrait de créer que 134 000 à 214 000 emplois sur cinq ans, et jusqu’à 300 000 emplois en concentrant les baisses de cotisations sur les bas salaires. Le président de la CGMPE (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), Jean-François Roubaud, lui, est encore plus pessimiste, estimant jeudi 27 février sur France Info qu’il n’y avait « pas de relation directe » immédiate entre baisse des charges et création d’emplois, car il existe un « décalage de 3 à 4 ans » entre les deux.

L’un des problèmes du pacte qui revient le plus souvent est le manque d’engagements chiffrés sur les créations d’emplois, comme l’explique le chef de la délégation du Medef Jean-François Pilliard. Mais “le texte détaille de façon rigoureuse les dispositifs qui seront en place au niveau des branches (professionnelles) pour aller vers des objectifs” en matière d’emplois.

En tout cas, une chose est sûre, souligne Alternatives Économiques : baisser les charges n’aura pas d’effet à court terme sur le niveau du chômage. En fait, « la population active occupée dans le secteur marchand devrait continuer de diminuer en 2014, faute d’une forte reprise de l’activité, et cette diminution va s’ajouter à celle de l’emploi public, compte tenu des coupes dans les dépenses publiques. »

Syndicats versus patronat

Ce pacte est au cœur des discussions entre syndicats et patronat, qui se sont réunis vendredi 28 février au Medef. Le président du Medef Pierre Gattaz juge “aberrant” le terme “cadeau aux entreprises” employé par les syndicats réfractaires à l’accord et il estime qu’il faut “essayer d’avancer ensemble”. En effet, dès le 7 janvier, Pierre Gattaz affirmait déjà dans Le Monde que son syndicat était prêt à “jouer le jeu” du pacte de responsabilité.

Alors que le document initial n’évoquait que « l’ouverture de discussions sur des objectifs d’emploi », l’ajout des termes « négociations » et « objectifs quantitatifs » représente une victoire pour les syndicats signataires. Car en effet, bien que les cinq formations syndicales se soient rendues au Medef le 28 février pour les discussions avec le patronat, seules trois d’entre elles ont signé l’accord : la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC. De son côté, Force ouvrière a refusé de signer un texte qualifié de « marché de dupes », avec « zéro contrepartie pour le Medef », par son représentant Stéphane Lardy, de même que la CGT.

Un pacte qui n’est pas exempt de critiques.

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Photo Miguel Medina – AFP

En effet, comme pour chaque décision gouvernementale, le pacte de responsabilité voit ses problèmes et lacunes pointés du doigts. Ainsi, Philippe Frémeaux,  journaliste économique et éditorialiste au magazine économique Alternatives Économiques, explique que le pacte passe à côté de ce qu’il considère comme le problème clé, à savoir « la nécessité de mener une politique de relance ».

Les syndicats ont quant à eux lancé l’offensive. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont défilé contre le pacte de responsabilité en France afin de dénoncer “la logique libérale” du gouvernement. Le numéro un de la CGT Thierry Lepaon, a participé le mardi 18 mars à ce jour de mobilisation contre le pacte de responsabilité à l’appel de FO, CGT, la FSU et Solidaires. Il a accusé le patronat d’être “assisté” par le gouvernement, ajoutant : “on parle beaucoup des salariés qui seraient assistés, des chômeurs qui seraient assistés. Aujourd’hui, pour nous, c’est le patronat qui est assisté par ce gouvernement et c’est quand même un comble pour ceux qui ont voté pour François Hollande”. Dans cette déclaration sur RTL, il a également souligné les “200 milliards d’euros d’aides versés tous les ans au patronat”, soit “dix fois le déficit des caisses de retraite”. Pour lui, le pacte de responsabilité est un “pacte d’irresponsabilité” qui “s’inscrit dans les politiques antérieures, y compris celles menées par Nicolas Sarkozy en son temps, d’abaissement du coût du travail”.

Enfin, Europe Ecologie les Verts a affirmé, lors d’un conseil fédéral le 8 février, « sa ferme opposition envers les orientations portées par le pacte de responsabilité tel que présenté par le président », en réclamant un autre “pacte écologiste et social”. Le gouvernement devra compter ses soutiens, car il engagera sa responsabilité lors d’un vote de confiance sur le pacte devant le Parlement à la fin du mois de mai.

Attachée de presse de cinéma et blogueuse, je fais partie de l'équipe de Maze depuis plus de quatre ans maintenant. Le temps passe vite ! Je suis quelqu'un de très polyvalent: passionnée d'écriture ("j'écris donc je suis"), de cinéma (d'où mon métier), de photo (utile pour mon blog!), de littérature (vive la culture !) et de voyages (qui n'aime pas ça?). Mon site, www.minimaltrouble.com, parle de développement personnel, de productivité, de minimalisme mais aussi de culture :)

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