Du numérique, plus de musique et moins de blabla, en veux-tu en voilà, voilà comment on pourrait résumer l’énième évolution du Mouv’, lancé le 6 janvier dernier. La “mini-généraliste” (ou France Inter pour les jeunes) mise en place par Patrice Blanc-Francard (ex-patron de la station) à la rentrée 2011, n’a pas porté ses fruits, que ça soit en audiences (souvent au dessous des 0,5 %, pas suffisant pour apparaitre dans le classement de Médiamétrie) ou en satisfaction, avec cette ancienne formule souvent critiquée par les auditeurs, laissant tomber l’écoute du Mouv’ au profit de radios privées plus attractives comme Oui FM ou Virgin Radio. Pourtant, Joël Ronez, nouveau directeur de la station (et directeur des nouveaux médias chez Radio France), ainsi que Jean-Luc Hess (dont son mandat de président de Radio France se termine fin mai prochain) veulent encore croire à cette radio mal née. Pourquoi “mal née” ? Retournons en arrière, dans les années 90.
A l’heure ou des pays francophones avaient leur radio publique destiné au jeune public comme Couleur 3 en Suisse ; Radio 21 (scindée en deux radios en 2004 : Pure FM et Classic 21) en Belgique ; avec une programmation se démarquant des concurrents privés (musique, programmes…), la France était privée d’une radio jeune mêlant musique alternative, information et émissions spécialisées, en mode service public. Alors quand Le Mouv’ débarqua sur la FM française en juin 1997, avec ses jingles dignes d’un aquarium psychédélique et son parc de fréquences axé principalement sur les villes rurales, faute de fréquences disponibles à cette époque (alors que le public jeune est concentré surtout sur les grandes villes étudiantes) et dans le but de rajeunir le public d’auditeurs des radios publiques, ce n’était pas vraiment la joie. Très vite, les doutes s’installent au sein de Radio France : un budget limité pour les programmes, une grande indifférence pour la petite dernière, surtout qu’elle est basée sur Toulouse de 1998 à 2011, avant de délocaliser sur Paris. Pendant ces dix-sept premières années, Le Mouv’ va chercher son ADN, malgré les différents remodelages qu’elle subit. Et malgré son pic d’audience en 2004-2005 (1,4 % en national) avec sa programmation rock et sa libre antenne 100 % girls (Les Filles du Mouv’) notamment, elle tente différents concepts, se soldant souvent par des échecs.
L’été dernier, une question était sur toutes les lèvres du personnel de la Maison Ronde : “Et Le Mouv’, vu ses mauvaises audiences, va-t-elle quitter la FM pour être une webradio ?”. Or, Jean-Luc Hess a rassuré le SNJ Radio France (le premier syndicat de journalistes de Radio France), lors du Comité Central d’Entreprise en juillet dernier, en déclarant :
Je ne lâcherai pas Le Mouv’, c’est le plus beau projet de la maison. Il y a 32 fréquences pour Le Mouv’ : je ne vais pas rendre de fréquence, notre métier, c’est la radio.
Ceci dit, il a avoué en même temps qu’une nouvelle formule est en préparation, avec un travail sur la programmation musicale, ayant pour but d’en faire selon les paroles du président de Radio France, “une radio alternative”, avec “une offre très identifiée” et a donné rendez-vous à la conférence de presse de la rentrée fin Août pour découvrir un premier avant-goût. Joël Ronez, patron des nouveaux médias à Radio France, prend ainsi les manettes de la radio, pour donner un nouveau sens à la première radio sur la musique en live, avec un projet mêlant numérique et découverte. Le Mouv’ veut innover, prendre de l’avance sur ses concurrents avec cet avantage du numérique, surtout qu’elle est la première radio publique a être numérisée, et ceux, depuis ses débuts. Et devenir, selon Ronez : “la radio leader sur les smartphones”. La mise en orbite du Mouv’ 2.0 est prévue pour janvier 2014.
Le futur est déjà là, c’est juste qu’il n’est pas bien partagé.
Voilà comment est introduit le dossier de presse du Mouv’ 2.0, par une citation de l’écrivain américain William Gibson. Et alors, en quoi consiste cette nouvelle formule, pour une radio qui veut cibler les 20-35 ans ? D’abord, exit Frédéric Bonnaud, Philippe Dana ou encore Daniel Morin (et son regretté La Morinade), et place à de nouvelles têtes, à de nouveaux rendez-vous, même si on retrouve Nico Prat, Charline Roux, Emilie Mazoyer, Pierre Siankwoski ou Pierre Langlais notamment, ainsi que des émissions de l’ancienne grille comme Pop Corn sur Le Mouv’, Magasin Central, Point G comme Giulia, Médiamix… Ce qui change, c’est les noms de certaines émissions (comme 1 heure de bonne heure qui devient le 6-7, #LeMouv’ est rebaptisé Emilie Sur Le Mouv’, Saison 1 Episode 1 est renommé Les Séries Télé, un peu dommage malheureusement) ainsi que les horaires (Magasin Central sera diffusé le mercredi soir et non plus le samedi à 19h par exemple). Au rayon des nouveautés : Aurélie Champagne et François Sauvestre se chargent désormais de la matinale (le 7-9), centrée sur l’actu et les reportages de la rédaction. Le midi est consacré aux médias et au 2.0, avec le 12:30 animé par Thomas Rozec, en plus de Médiamix avec Chakib Lahssaini (12-12h30). Et le soir, on ne change pas la recette, de la pop culture, de la sexualité, de la musique : Pop Corn, Point G comme Giulia, Emilie Sur Le Mouv’. La radio a aussi le but de passer de 50 à 70 % de programmation musicale (avec des plages horaires conséquentes), entre pop, rock et électro, ainsi que plus de découvertes et de nouveautés, afin de découvrir les groupes ou artistes qui feront la musique de demain. Et surtout, d’être toujours cette première radio sur la musique en live, avec des concerts organisés et/ou diffusés par la radio, des sessions live, des couvertures de festivals (Eurosonic, Transmusicales de Rennes, Europavox…)
Le Mouv’ veut donc être un laboratoire du futur, mais c’est sans compter sans quelques nouveautés pour les soirées et l’ouverture à de nouveaux horizons. On retrouve des rendez vous habituels : Jules-Édouard Moustic (Groland) avec Mouv’stic le lundi soir, Vincent Glad (ex-chroniqueur au Grand Journal de Canal +) qui anime Touche Pas à Mon Poke le samedi (20h) ou Laura Leishman (naviguant entre France Inter et Le Mouv’ avec son Laura Leishman Project depuis la rentrée 2013) le vendredi soir. Pedro Winter (fondateur du label Ed Banger Records), présente désormais chaque jeudi soir sa sélection électro, tandis que Guido Minisky (du duo Acid Arab) fera voyager les auditeurs entre acid house et musique orientale dans Orienté. Et pour couronner le tout, la radio aura son émission de métal (après quelques années d’absence) le dimanche à 23h, avec Tanguy Blum aux commandes.
Hors radio, la station veut renforcer son point fort : l’interactif et le 2.0. A commencer par les podcasts (6ème radio podcastée sur la plateforme iTunes), avec des playlists musicales faisant office d’extension pour certaines émissions (Pop Corn, Emilie sur Le Mouv’…), en plus des émissions habituelles (dont celles du week-end sont mises en ligne dès le vendredi après midi). Avec un nouveau site web mis en place, la radio a désormais sa webline, avec des vidéos capsules (elles passent aussi sur l’antenne). Des exemples ? Solange pénètre ta vie intime, Shoot de son, Alice Diop, etc.. Le Mouv’ prépare aussi la version radiovision de la radio, prévu pour la rentrée de septembre. Les émissions sont désormais filmées et diffusées en flux vidéo sur Internet, avec des clips pour la partie musicale et des infographies pour l’info. Une idée venant de Pure FM en Belgique d’ailleurs, possédant sa radiovision depuis quelques mois. Et n’oublions pas les réseaux sociaux, bien évidemment (161 000 followers sur Twitter, 134 000 likes sur Facebook, 2 345 abonnés sur Instagram, 5 301 abonnés sur Soundcloud).
Le Mouv’ a désormais les clés en main pour faire oublier cette mauvaise passe. Mais pour faire un premier point sur en termes d’audiences, il faudra attendre cet été, le temps que ce Mouv’ 2.0 s’installe.