Certains diront qu’aller voir ce film n’est qu’une perte de temps, mais on ne perd jamais son temps en allant voir un Scorsese. Argent, sexe, drogues : nous sommes servis, mais Le loup de Wall Street, c’est quand même plus que ça. Tout d’abord, commençons par le commencement. Le loup de Wall Street, réalisé par Martin Scorsese (Raging Bull, Shutter Island) et sorti le 25 Décembre, est une adaptation du roman autobiographique de Jordan Belfort, sorti de prison en 2005. Le titre, The Wolf of Wall Street, a été conservé par le réalisateur. Leonardo DiCaprio, qui s’est battu avec Brad Pitt pour acheter les droits d’adaptation du livre, joue le rôle principal (Jordan Belfort), et avec excellence. Faire mieux aurait été difficile.
Après avoir obtenu sa licence, Jordan Belfort commence sa carrière de courtier le 19 Octobre 1987, le fameux lundi noir. Se retrouvant sans job, il fait les petites annonces et tombe sur une petite boîte qui revend des actions à trois sous. Il y amène ses compétences et fait grimper l’entreprise en un rien de temps. Il décide alors de monter sa propre société de courtage avec l’aide de ses “amis” qui eux, ne sont pas qualifiés. Il devient millionnaire, rend heureux tous ses salariés, et profite de la vie à plein temps. Voilà grosso modo le scénario du film. Jordan Belfort pouvait faire tout ce qu’il voulait. La coke, les putes, c’était ça. Scorsese a-t-il exagéré ? On dirait, mais ce n’est pas son genre. DiCaprio n’a pas lâché Jordan Belfort, il voulait des faits qui n’apparaissaient pas dans le roman. Rassurons-le, ça n’a pas manqué dans le film. Abus, austérité, excès, luxe, orgies, la dose est là. Il semble que ce soit la vraie vie des traders américains.
Interdit aux moins de 12 ans, Le loup de Wall Street c’est un coût de 100 millions de dollars (une somme non négligeable !) et un film qui a mis cinq ans à voir le jour. Certains disent qu’on devrait l’interdire aux moins de 16 ans, mais tout ça ce n’est que chiffres. Parlons du film en lui-même. Un film plutôt dément, dans lequel on ne s’ennuie pas une seconde. On découvre l’univers de la finance comme on ne l’a jamais vu. C’en est presque hallucinant, ce ne serait pas une histoire vraie, j’aurais trouvé ça too much. L’unique but : gagner de l’argent, beaucoup d’argent. Peu importent les autres. Il est clair que pour être dans la peau de tous les courtiers de Stratton Oakmont (la société de Jordan Belfort alias “le loup”) il ne faut pas avoir honte d’arnaquer les gens. “Ne jamais raccrocher avant que le client ne dise oui ou ne meure” disait Belfort qui faisait grimper à lui tout seul le cours des actions en investissant dans les entreprises. Rassurez-vous, pas besoin de vous y connaître sur le cours de la bourse. On comprend vite la tactique et ça devient même excitant. De manière illégale, Belfort a gagné 50 millions de dollars par an. Il avait l’ivresse du pouvoir mais vous vous douterez que Jordan n’a pas eu la belle vie éternellement (même s’il s’en est plutôt bien sorti) : il a sombré dans la drogue et a été jugé pour blanchissement d’argent, détournement de fonds … Dans le film, Jordan Belfort est condamné à 36 mois de prison, mais il n’a en réalité été condamné que 22 mois. Les virées en hélicoptère ont dû cesser pendant un petit moment !
Côté prestations, Leonardo comme à son habitude nous livre une performance démentielle ; c’est sa cinquième collaboration avec Scorsese. Vous verrez les apparitions de Matthew McConaughey et de Jean Dujardin qui ont des petits rôles mais qui font la différence. Étrangement, Le loup de Wall Street n’est pas au “format cinéma” (il n’y a pas les bandes noires en haut et en bas), il est au format anamorphique, un choix de Scorsese qui a réalisé un excellent biopic. En regardant la bande annonce, j’ai été très curieuse de voir le film, en effet on a un peu l’impression de voir Gatsby (DiCaprio, grosse baraque, grosse voiture, fêtes, alcool, femmes etc.) mais on a aussi l’impression de voir une grosse production américaine un peu lourde qui met en avant sexe et drogues pour faire du chiffre. Ça ne ressemble pas à du Scorsese, mais lui qui avoue ne plus rien comprendre au cinéma d’aujourd’hui : aurait-il sombré dans un cinéma qui n’est pas le sien ? La réponse est non. Ce sont tout de même trois heures de débauche, mais les rebondissements sont là, l’histoire est là, la folie est là. Sortir un film pareil, il faut oser et Scorcese l’a fait. Évidemment, même sans avoir entendu parler du vrai Jordan Belfort, le scénario est prévisible, mais peu importe. Ce que veut Scorsese c’est nous fait rire de toute cette histoire. Une telle débauche est inimaginable, et ça n’en finit pas, rares sont les moments où les personnages sont calmes, sobres, qu’ils arrêtent de “baiser” ou de lancer des nains dans des cibles. On voit bien que tout ça prend le dessus sur le travail. On se demande même comment Jordan en est arrivé là. Mais bon, “la finance c’est du vent” à ce qu’il paraît. En fait, en visionnant ce film, vous serez dégoûté ou attiré par le monde de la finance. Voilà tout. La subtilité de Scorsese n’a pas disparu, il faut juste savoir aller chercher un peu plus loin que les rails de cocaïne sur le cul des prostituées.
En bref : un film bien construit, vulgaire mais réaliste, extravagant, écœurant parfois, drôle mais pas trop, rythmé, et avec beaucoup de sucre en poudre. Peut être le premier oscar de DiCaprio ?