ART

Georges Braque, fondateur du cubisme

Georges Braque est un peintre et sculpteur français, né le 13 mai 1882 à Argenteuil et mort le 31 août 1963 à Paris. Il est en majeure partie retenu par les académiciens pour être un personnage artistiquement très versatile, partant d’un postimpressionnisme pour passer par une période de cubisme pour finir sur la création de bijoux. Pour bien comprendre ce personnage, il faut distinguer dans sa vie plusieurs grandes lignes : la première, cubisme analytique et synthétique, de 1907 à 1918 ; puis faisons un bon en avant pour se retrouver pendant la guerre avec ses intérieurs vanités, ses ateliers et ses natures mortes, de 1941 à 1956, tout étant combinés avec un période de sculptures ; en finissant sur ses paysages, oiseaux et bijoux, de 1953 à sa mort en 1963.

En 1908, Georges Braque se rend à l’atelier de Pablo Picasso et y admire deux toiles, Les Demoiselles d’Avignon et Trois Femmes. Il s’étonne de la manière dont sont peintes ces deux toiles, reprenant le rythme constructif de Cézanne tout en le découpant et le déformant. C’est à ce moment-là que va naître une relation intellectuelle et artistique entre les deux hommes. Picasso va ainsi tirer à Georges Braque une qualité, qui est de lire dans le motif, motif qui réside dans la construction de la toile, par ses rythmes, par sa structure. C’est ainsi qu’en 1907, un an avant la rencontre avec Picasso, Georges Braque va commencer sa recherche artistique avec Nu debout et Le Grand Nu : les corps de ses deux femmes vont être décomposés pour être restructurés, donnant ainsi au spectateur une vision sous plusieurs angles du corps féminin. Ses tableaux sont directement inspirés par les masques africains : « Les masques nègres m’ont ouvert de nouveau horizons. Ils m’ont permis d’entrer en contact avec l’instinctif, opposition à cette fausse tradition qui veut que l’on repousse ce qui fait peur.  » Une inspiration qui va mêler l’instinctif et le style de Paul Cézanne. Ces deux tableaux vont donner un avant-goût de la période révolutionnaire que va mener Georges Braque et dont on lui attribue souvent l’origine : le cubisme.

Nu Debout - Braque

Nu Debout – Braque

À l’aurore de son cubisme, Georges Braque s’essayait aux paysages (Le Château de La Roche-Guyon ou encore Paysage des carrières Saint-Denis) qui conservaient une forte inspiration cézannienne. Ce n’est qu’en 1910 que celui-ci va entrer dans ce qu’on appellera plus tard le « cubisme analytique ». Les paysages vont devenir des natures mortes, les formes simplifiées et géométrisées. En entremêlant une multitude de points de vue au sein d’un même tableau, Georges Braque va créer des articulations dynamiques qui vont ainsi créer des combinaisons imprévues, qui vont révolutionner la conception de l’art, qui ne sera plus en rapport avec la copie de la nature et des choses. En 1911, il part à Céret avec Picasso où ils restent toute l’année, afin de mener des recherches stylistiques.

C’est à cette même période que Braque va s’inventer de nouveaux supports, de nouveaux moyens de communication avec l’utilisation de l’alphabet : avec un système de pochoir, Braque va introduire dans ses tableaux (Le Portugais par exemple) des caractères d’imprimerie, des lettres et des chiffres. Il va expliquer son geste par le fait que « C’était des formes où il n’y avait rien à déformer parce que, étant des aplats, les lettres étaient hors l’espace et leur présence dans le tableau, par conséquent, permettait de distinguer les objets qui étaient dans l’espace, de ceux qui étaient hors de l’espace. » Toutefois, même si Braque se concentre plus sur les natures mortes, il n’en oublie pas pour autant les paysages ; mais cette fois-ci, il utilise les modes d’expressions cubistes, entièrement stylisés, ne ressemblant en rien aux paysage d’avant 1909 ou à la nature en tant que telle. Toujours dans une période de grande inventivité, Georges Braque va ainsi introduire le système de papiers collés, en 1912 à Sorgues, avec son tableau Compotier et verre. Cette découverte stylistique va avoir un certain retentissement et va servir de modèle à de nombreux peintres de l’époque comme Albert Gleizes ou Fernand Léger.

C’est avec cette nouvelle technique que Georges Braque va pouvoir exposer sa théorie concernant le cubisme ainsi que son but : selon lui le cubisme est un mode de représentation sans jamais mêler les différents moyens d’expressions. La couleur ne se mêle pas au motif, et la perspective n’existe pas. La couleur et le motif deviennent des sensations simultanées sans jamais de confondre.

Malgré le fait que les deux amis se séparent (tout en restant en bons termes), Braque continu sa recherche stylistique : ses papiers collés changent, et reprennent l’apparence d’autres matériaux comme le faux-bois ou le marbre. En 1912-1913, il va ainsi mêler sa peinture avec d’autres matières comme la sciure de bois ou encore le sable pour donner du relief à ses productions. Avec ce relief, Braque va introduire vers 1913 des signes optiques, jouant avec la répétition des motifs (géométriques ou non). Cette notion de relief, avec l’utilisation du carton ondulé par exemple, va connaitre un très vif succès à la fin de sa convalescence en 1917, après son épisode traumatique de la guerre. C’est après cette convalescence que va naître le cubisme synthétique, peaufinant ainsi son nouveau vocabulaire artistique, rempli de relief et de variation de matériaux.

C’est à cette période post-première guerre mondiale, que Braque va se détacher petit à petit du cubisme, même si il en garde les grands principes de reconstruction, de simultanéité des points de vue et l’inversion de l’espace. Cependant, il ne déconstruit plus, il forme. Il utilise le noir comme fond car celui-ci suggère la profondeur, il utilise les formes et objets et pousse à son maximum le contraste, se retrouvant avec des formes qualifiées de « naturalistes » et abstraites par Christian Zervos, comme dans sa Nature morte à la clarinette. C’est ainsi dans les années 1930 que Braque va peindre ses natures mortes les plus contrastées et les plus « savoureuses », avec ses barques, ses falaises, ses sculptures, ses poissons, ses chevaux en bronze ou en plomb, et ses reliefs plâtre coloriés, ce qui caractérise sa période heureuse et joyeuse.

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Nature morte à la clarinette – Braque

C’est durant la période de la Seconde Guerre mondiale, de 1940 à 1945 que Braque, confiné dans son atelier, peint ses Intérieurs, marqués par l’utilisation du noir qui laisse une impression de sévérité et d’accablement. Cloîtré, Braque ne discute plus avec ses congénères, il ne travaille plus en commun. Il reste seul, à travailler dans le secret, produisant ainsi La Patience par exemple, mais n’abandonne pas pour autant son sujet favori qui est l’instrument de musique en 1942, année très féconde pour l’artiste. Il déclarera plus tard que «  l’instrument de musique, en tant qu’objet, a cette particularité qu’on peut l’animer en le touchant, voilà pourquoi j’ai toujours été attiré par les instruments de musique, bien plus que par d’autres objets ou par la figure humaine. » Cependant, ses toiles significatives, comme Le Cabinet de toilette (1942), Table de cuisine (1942) ou encore Grand intérieur à la palette (1942), rappellent sans arrêt la situation de l’artiste, cloîtré chez lui, avec ces sujets dérisoires et toujours en rapport à l’utilité à la survie. Ça ne sera que beaucoup plus tard, en 1949 que Braque commencera une autre série de Billards (1947-1949).

C’est à partir de 1949 que Braque entreprend sa série des Ateliers, retouchant sans cesse ses productions, les renumérotant et déplaçant les objets. Ce qui pose un véritable casse-tête pour les rédacteurs de catalogues raisonnés. C’est aussi avec ses Ateliers que Braque introduit ses oiseaux, desquels il fera son principal sujet de réflexion à partir de 1953, avec L’Oiseau et son nid (1955-1956) par exemple.

Au cours de ses dernières années, Georges Braque recevra plusieurs prix et distinctions, il est fait par exemple Docteur honoris causa par l’Université d’Oxford et il recevra le prix Antonio Feltrinelli en 1959 décerné par l’Académie des Beaux-Arts. En 1961, trop vieux pour produire quoique ce soit, l’artiste accepte que plusieurs de ses dessins soit transformés en bijoux. Le baron Michel Heger de Löwenfeld, maître joailler, se chargera de mettre en volume 110 gouaches de l’artiste. Georges Braque en offrira plusieurs à sa femme, dont une bague représentant le profil d’Hécate.

Il meurt le 31 août 1963 à Paris et des funérailles nationales ont lieu le 3 septembre devant la Colonnade du Louvre où André Malraux y prononce un éloge funéraire : « Il est aussi légitimement chez lui au Louvre que l’Ange de Reims dans sa cathédrale. » Alberto Giacometti écrit à son sujet dans le journal La Turin La Stampa «  Georges Braque vient de mourir. Ce soir tout l’œuvre de Braque redevient pour moi actuelle ; sortie du temps, il se situe dans l’espace. De toute cette œuvre, je regarde avec le plus d’intérêt, de curiosité et d’émotion les petits paysages, les natures mortes, les modestes bouquets des dernières années, des toutes dernières années. »
Il sera enterré  le lendemain au cimetière marin Varangéville-sur-Mer.

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