Un débat politisé en désordre.
Depuis la catastrophe de Fukushima et les pressions croissantes des lobbys environnementaux, le nucléaire a pris une place de choix dans le discours politique. Les français se sont sentis de plus en plus concernés par les risques qu’il représente, et l’État, dans le cadre de ses fonctions régaliennes a dû de ce fait l’intégrer au débat politique afin d’assurer la sécurité de ses citoyens. Cependant, le débat suscite plus d’animation qu’on aurait pu le croire : enjeux environnementaux, politiques et économiques se croisent sur la question. C’est ainsi qu’Eva Joly a lancé des ultimatums afin de négocier les conditions d’un rassemblement des Verts avec le PS tandis que les réponses de Jean-Marc Ayrault et François Rebsamen étaient plus basées sur un calcul électoral que sur une véritable inquiétude.
L’organisation du débat est difficile à mettre en place et tout le monde semble fonctionner sur une dialectique de sortie ou de conservation du nucléaire. Par exemple l’Allemagne, dès la catastrophe de Fukushima s’est fortement engagée dans le débat en prévoyant la fermeture des dernières centrales en 2022. Cette décision politique est un exemple pour les Verts. Mais ne serait-il pas plus pertinent de travailler à la recherche et au développement des énergies renouvelables, aux méthodes à utiliser, plutôt que de courir derrière un calendrier sur lequel personne n’est d’accord ?
Quelles méthodes, quels moyens ?
Bien que le débat tourne souvent autour d’une hypothétique date de sortie du nucléaire, cette question se révèle en fait ne pas être aussi pertinente que cela. En effet, elle ne fait que répondre à la panique générale qui s’est répandue après la catastrophe de Fukushima et les problèmes dans certaines centrales européennes qui ont suivis. Le véritable sujet sur lequel le débat doit se concentrer concerne les moyens à se donner afin de réaliser un quelconque avancement ; seule preuve de concrétisation qui entrainera par elle-même la définition d’une date, qui reste un enjeu important comme le convient le cercle de réflexion Terra Nova : « Il est politiquement et démocratiquement indispensable de donner à la société la possibilité d’une sortie du nucléaire à terme, ce terme étant lui-même l’objet de débat ».
La réalité des énergies renouvelables.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les Verts ne réclament pas – pour la plupart du moins – une sortie immédiate du nucléaire. De toute façon, une telle affirmation ne ferait que diminuer la crédibilité du parti puisqu’il s’agit d’une proposition pour le moment irréalisable, en particulier sur une courte période de temps. Or, ce que les militants écologistes souhaitent, ce sont des changements rapides afin d’enclencher un processus de développement du “green” – les énergies renouvelables. C’est pour cela qu’Eva Joly négocie sur la date et la vitesse d’un potentiel abandon, à terme. Cependant, ce postulat semble inconciliable avec la proposition de François Hollande de réduire la part du nucléaire de 75 % à 50 % à l’horizon de 2025.
Cette proposition, bien qu’elle puisse sembler à certains trop peu engagée, s’ancre en fait dans la logique du réalisable et de la crédibilité politique. Par ailleurs, même si le nucléaire cessait d’ici peu, les énergies renouvelables ne seraient pas capables de prendre le relais de sitôt. L’organisation d’une véritable transition est donc bel et bien nécessaire.
Bien que la part du renouvelable soit en constante progression dans la part de consommation de l’énergie en France, son développement encore trop faible en raison de la part du budget qui lui est consacrée et les limites qui lui sont intrinsèques restent problématiques pour un remplacement total du nucléaire. En effet, si nous prenons l’exemple du photovoltaïque et de l’éolien, à l’horizon 2020 (qui est celui du Grenelle de l’environnement), l’énergie produite par les éoliennes terrestres en France correspondra à la production de quatre réacteurs, à laquelle viendra s’ajouter la production de l’éolien offshore (technologie dans laquelle la France a pris du retard) pour l’équivalent de 1,5 réacteur seulement. Soit, pour l’ensemble de l’éolien à cette date, 8 % du potentiel nucléaire actuel.
Manon Vercouter