CINÉMA

Les Apaches – des corses dans la ville

Ajaccio voit naître Thierry de Peretti en 1970, il faudra attendre 30 ans pour voir ses deux courts-métrages intitulés Le Jour de ma mort et Sleepwalkers, et presque 45 années pour voir son premier long : Les Apaches, en salle depuis le 14 août 2013. Schéma classique pour un réalisateur qui prend son temps “à la corse” dirons-nous, et pourtant, il connaissait déjà bien le milieu, en tant qu’acteur. Il a été dirigé par Patrice Chéreau dans Ceux qui m’aiment prendront le train ou encore par Bertrand Bonello sur De la Guerre, aux côtés de Mathieu Amalric, Léa Seydoux etc. Bref, les plateaux, les projecteurs et les claps, il connait.

Avec les Apaches, il décide de traiter un sujet étroitement lié à l’actualité. La Corse n’a pas cessé d’être présente dans l’actualité cette année, de deux façons différentes : le tour de France y est passé pour la première fois, à travers ses paysages de cartes postales qui en font rêver plus d’un … Cette vision de l’île de Beauté, on en a l’habitude, c’est un peu le côté jardin, lumineux, plein de vie. Thierry de Peretti, lui, choisit le côté cour et l’autre visage de la Corse où l’omerta et la vendetta font rage. 173 ans plus tôt, Prosper Merimée traitait déjà du sujet par la littérature avec Colomba, nouvelle mondialement connue.

Le réalisateur, ici, s’inspire d’un fait divers. L’histoire se déroule à Porto Vecchio en plein mois d’août, une destination de luxe très prisée par de riches territoriaux français, anglais ou italiens. La réalité est déjà là : le long plan d’ouverture est sur une villa à la piscine débordante et aux immenses baies vitrées. Une caractéristique visuelle surprend déjà : l’image de projection est en 4/3, format de plus en plus rare au cinéma, parfois visible en télévision. Aziz, incarné par Aziz El Haddachi, aide son père dans l’entretien de cette villa. Le soir, il retrouve ses amis : François-Jo, Hamza, Jo et Maryne, interprétés respectivement par François-Jo Culioli, Hamza Meziani et Joseph Ebrarb et Maryne Cayon. En dehors de quelques plaques d’immatriculations, des pendentifs, l’accent très marqué de François-Jo, rien ne nous indique vraiment les lieux de l’intrigue … Pendant que Jo s’alcoolise seul, Hamza et François-Jo commencent à explorer la maison et décident de dérober deux fusils de collection, une chaine hi-fi et quelques babioles sans intérêts. Une dispute éclate, c’est le début d’une longue montée en tension : le format de l’image trouve alors son intérêt, les cadres choisis sont inhabituellement serrés, donc oppressants. Un malfrat du coin est prévenu : Bati, interprété par un Michel Ferracci sans barbe ! Rôle qu’il connait bien après avoir joué dans Mafiosa, série française ayant pour thème le crime organisé corse. Aziz rend les objets sans valeur, des représailles lui tombent déjà dessus … François-Jo a bien l’intention de garder les fusils, avec autant de conviction que ses coups de colère indépendantistes contre les terribles “Gaulois”, chaussés de tongs et armés de cartes bancaires, envahisseurs du territoire si chéri. La peur “de se retrouver dans le maquis” (se faire descendre) les pousse à commettre le pire. La détresse de leur situation, accompagnée d’une bande originale de qualité et ressemblant particulièrement à celles des jeunes de Bully de Larry Clark, est d’un réalisme asphyxiant. Malgré des rebondissements assez prévisibles, Thierry de Peretti ne tombe pas dans les clichés, son film est à la fois un mausolée, celui des victimes de vendetta et une lueur d’espoir, celle de la jeunesse multiculturelle de l’île !

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