LITTÉRATURE

Poésie et Mathématiques

Imaginez. Fermez les yeux et imaginez un espace sans limites, ou bien les événements infinitésimaux qui sont à l’origine des révolutions nationales. Imaginez comment pourrait commencer et finir une partie d’échecs parfaite : victoire pour les blancs, ou pour les noirs, ou partie nulle ? Imaginez des nombres tellement immenses qu’ils dépassent le total des atomes de l’univers, imaginez que vous comptiez avec onze ou douze doigts au lieu de dix, imaginez que vous puissiez lire un livre d’une infinité de façons différentes.

– Daniel Tammet

Edition Les Arènes

Poésie et mathématiques semblent être à première vue deux notions que tout oppose. Le mois dernier pourtant est paru en France L’Eternité dans une heure, un ouvrage destiné à briser cette frontière. Il est signé Daniel Tammet, génie célèbre pour avoir récité 22 514 décimales du nombre Pi comme pour sa touchante autobiographie Je suis né un jour bleu qui dépeignait son autisme. Son nouveau livre nous montre en effet que mathématiques et littérature arpentent la même voie, celle de l’imagination et de l’infinité des possibles, que nous vous proposons de suivre dans cet article.

Les divers thèmes abordés dans cet ouvrage, au nombre de 25, sauront éveiller la curiosité de chacun, les chapitres “Le zéro de Shakespeare”, “Le livre des livres”, ou “Les calculs d’un romancier” pour les plus littéraires ou “Seuls dans l’univers ?”, “Les équations d’Einstein” pour les esprits plus scientifiques. Pourtant, au fil des pages, quand le chapitre sur Einstein abordera l’harmonie musicale, ou quand celui sur le romancier nous parlera de calcul différentiel ou intégral, nous comprendrons que les barrières que nous avons toujours bâties en nous entre le monde sensible des arts et le monde rationnel des sciences n’existent peut-être pas.

“Lear and Cordelia” (1874) – Marcus Stone (d’après “Le Roi Lear”, Shakespeare)

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Ce livre est l’occasion pour nous, pour la première fois de notre vie, de réellement réfléchir, de façon bien moins étroite que l’on vous y contraint à l’école. A l’aide des nombres, Daniel Tammet vous offre des brins de réponses à la question de l‘infinité des grains de sable sur Terre, à la place de l’Homme dans un univers si vide. Il vous pousse à vous interroger sur la magie qui fait peut-être encore rêver votre âme d’enfant : la Princesse au petit pois ou la traversée de l’armoire pour rejoindre Narnia. Il vous ouvre même les portes à la compréhension des parties à la fois hasardeuses et stratégiques d’échecs, ou à l’origine des éternelles inégalités entre les hommes. C’est en étudiant la poésie médiévale que nous appréhendons mieux les mystères des nombres premiers, et à l’aide du calcul intégral que nous comprenons l’œuvre de Tolstoï. Même l’économie est présente, puisque l’on vous fait réfléchir également sur les thèses de J.M. Keynes. En mêlant toutes ces pensées de nature différentes, nous élargissons le champ de nos possibilités de réflexion.

Une fois notre réflexion ouverte, nous nous apercevons de la lourde place du zéro dans les pièces et poèmes de Shakespeare, et nous en comprenons l’origine. La beauté du nombre Pi nous apparaît enfin concrètement, et n’a plus l’air d’une excentricité de mathématicien. Même si les échecs vous font mal à la tête, quelques lignes de cette ouvrage vous permettront de comprendre la grandeur et la beauté qui se cachent dans ce jeu.

Photo : Thorkild Amdi/Scanpix – www.norvege.no

C’est pourquoi Maze vous recommande chaleureusement d’aller découvrir cet ouvrage magique, quels que soient vos préjugés à l’encontre des nombres ou de la littérature (ou des deux), puisque c’est votre meilleure clé pour prendre goût à l’un et à l’autre. Daniel Tammet jongle parfaitement entre Dickens, Pythagore, Flaubert et Leibniz et quels que soient vos a priori, tous les chapitres de ce livre vous intéresserons.

L’enfant ne pouvait espérer compter chaque grain de sable, ou lire chaque page de chaque livre publié, mais, comme Archimède et comme le Siddhartha des sutras, il avait compris qu’aucun cosmos ne contiendrait jamais tous les nombres. Il savait qu’avec les nombres il pouvait imaginer tout ce qui existait, tout ce qui avait existé et tout ce qui pourrait exister un jour, sans oublier tout ce qui existait aussi dans les royaumes de la réflexion, de l’imagination et des rêves.

– Daniel Tammet

Toulousain curieux, accro aux bouquins, à la musique, à la sauce piquante des pizzas.

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