Dimanche 24 février, avaient lieu les élections législatives italiennes, se déroulant dans une situation économique trouble pour le pays. Mais de cette élection ne sort qu’un seul constat : en l’absence de majorité stable, la Botte semble ingouvernable.
Les yeux de l’Europe étaient braqués sur l’Italie ces derniers jours. Le pays connaissait un moment de vérité avec ce passage aux urnes et la zone euro dans son ensemble elle aussi. Celui-ci avait été rendu obligatoire avec la démission du gouvernement technocratique dirigée par Mario Monti le 8 décembre dernier, suite à la perte du soutien de la droite berlusconienne.
Ces élections ont mis aux prises quatre forces politiques principales. La première d’entre elles est le Parti Démocrate (PD), dirigé par Pier Luigi Bersani, donné favori du scrutin. Parti très tôt en campagne, le chef du centre-gauche a souffert d’une présence médiatique plus faible que ces adversaires, de son manque de charisme, de l’impopularité croissante du soutien à la politique de poursuite de l’austérité et surtout des saillies populistes de ces deux adversaires principaux. Avec au premier chef, Silvio Berlusconi. Revenu de nulle part, Il Cavaliere, conspué par la foule romaine au terme de son mandat de Premier Ministre il y a à peine plus de dix-huit mois, accusé d’avoir envoyé dans le mur le navire italien, est parvenu à se remettre en selle à grand renfort de promesses populistes, comme la baisse des impôts ou le remboursement de la taxe foncière, rétablie par le gouvernement Monti. L’autre menace dans ce scrutin pour le centre-gauche venait du Coluche italien, Beppe Grillo, un humoriste ayant fait du rejet de la classe politique traditionnelle – seuls 4 % des Italiens faisaient confiance aux partis politiques pour gouverner le pays à la veille des législatives – son fonds de commerce. Ainsi, le comique fondateur du Mouvement 5 Étoiles a surfé sur le profond pessimisme de l’opinion italienne, tout en fondant sa campagne sur des propositions démagogiques : semaine de 20 heures de travail, salaire citoyen minimum de 1 000€ pour tous…
Le quatrième larron n’est autre que le Premier Ministre démissionnaire, Mario Monti, qui se présentait pour la première fois à une élection, lui qui avait été missionné par le Président de la République italienne, Giorgio Napolitano, pour former un gouvernement de techniciens. Cet indépendant s’est donc retrouvé à la tête d’une coalition de centre-droit au nom explicite : « L’Agenda Monti pour l’Italie ». Caractérisé par sa grande sobriété, vite considérée comme de la froideur, Il Profesore se trouvait confronté à une montagne, lui dont la crédibilité repose sur le rétablissement à marche forcée de l’Italie sur le chemin de la stabilité budgétaire, qui d’une manière ou d’une autre, est forcément une politique impopulaire.
Pas de majorité claire.
Le bilan de ces élections a jeté une incertitude supplémentaire sur la situation du pays. Le centre-gauche apparaît comme le timide vainqueur des législatives, avec environ 35 % des voix. A la chambre des Députés, le Parti Démocrate arrive en tête, avec une avance confortable sur la droite berlusconienne, profitant de la particularité de la loi électorale – le parti vainqueur obtient automatiquement 54 % des sièges à la Chambre. Le problème vient du Sénat, où l’avance du centre-gauche n’est pas suffisante pour obtenir la majorité absolue. Elle n’est que relative et cela oblige Pier Luigi Bersani et ses troupes à négocier avec les autres formations politiques pour gouverner. Comme l’a reconnu le chef du Parti Démocrate « le pays affronte une situation très délicate ».
S’il y a un vainqueur à cette élection, c’est bien le Mouvement 5 Étoiles du comique Beppe Grillo. Avec environ 25 % des suffrages, il s’impose comme la troisième force politique du pays et comme un arbitre au sein des instances gouvernementales. Les « grillini » auront au total 162 représentants au Parlement et pourront ainsi porter leur programme de rupture avec la cure d’austérité administrée sous le contrôle de l’Union Européenne (UE). La plupart de ces futurs parlementaires sont d’illustres inconnus, choisis lors d’une primaire organisée au mois de novembre par le biais d’Internet. Ce sont souvent de jeunes gens, indépendants des partis politiques traditionnels. La ligne de conduite qui semble se dessiner chez eux est le refus d’une alliance de gouvernement, tout en n’excluant pas la possibilité d’un soutien au coup par coup selon les lois proposées.
Quant à Silvio Berlusconi, la coalition qu’il a emmené durant ce scrutin a réalisé un retour tonitruant, récupérant les voix de près de 30 % des électeurs. On songe de son côté à un possible accord de gouvernement avec le centre-gauche, alors qu’une alliance avec les centristes de Mario Monti est exclue. Ce dernier est le grand perdant de ce scrutin, lui qui souhaitait s’imposer comme l’arbitre d’une éventuelle coalition gouvernementale. Or, son résultat – environ 10 % des suffrages – ne lui permet pas de fonder une majorité assez solide pour mener la politique italienne en faisant alliance avec le Parti Démocrate.
Les grands enseignements de ce scrutin italien sont donc le ralliement de plus de la moitié des électeurs à des candidats anti-austérité – Silvio Berlusconi, Beppe Grillo – et donc contre le diktat imposé par l’Europe dans le but de redresser les finances publiques d’un pays dont la dette se chiffre à près de 1 200 milliards d’euros. Le second constat est la claque reçue par les partis politiques traditionnels, discrédités par des scandales de corruption ou d’abus de fonds publics à répétition. Un ras-le-bol qui s’est exprimé avec le raz de marée du Mouvement 5 Étoiles.
La situation est donc urgente face à cette menace de blocage politique. L’émiettement politique qu’entraîne le mode de scrutin italien y est pour beaucoup. Dès lors, la presse italienne a titré sur un « vote choc », un « Parlement bloqué », « une Italie ingouvernable ». Ainsi, les marchés financiers ont rappelé l’incertitude politique qui frappe le pays à l’issue de ce scrutin : le taux des obligations à 10 ans a grimpé à 4,83 %, alors qu’il n’était que de 4,17 % le mois précèdent. Une large coalition semble à même d’éviter le chaos. Au risque de voir l’Italie, entraînant l’Europe dans son sillage, renouer avec ses vieux démons…