C’est avec une grande, grande, grande impatience ;
alimentée par un enthousiasme débordant de la part des critiques, notamment lorsqu’au Festival de Cannes de l’été dernier, un long extrait à été diffusé à un public composé de morceaux choisis du monde cinématographique, et par les polémiques suscitées face aux dialogues et à un soit-disant racisme, relançant de vieilles plaintes datant de Jackie Brown avec entre autre le boycott affiché par le bougon Spike Lee … ;
que nous avons pu découvrir dans les salles obscures, le 16 janvier très exactement, le nouveau saint bébé de Quentin Tarantino : Django Unchained.
Le jour de l’avant-première au Grand Rex le 7 janvier, dans un décor d’étoiles au plafond et de bas-reliefs orientaux et Versaillois frôlant presque le bon goût, au creux d’un fauteuil, entourée par les fervents apôtres échauffés par l’apparition du Maitre, enthousiaste, brûlant, jovial au possible, hurlant son fameux ” ET VIVAI LEUH CINEMA ” (ma vie est-elle accomplie ?) avant de jeter rageusement son micro sur la scène, faisant son show mieux qu’un Bruce Springsteen au meilleur de sa forme, que j’ai enfin pu découvrir l’Oeuvre.
Ne nous le cachons pas, la première partie, hommage amoureux au western, est un vrai ravissement, et nous plonge dans les belles lettres du genre, avec entre autres, l’histoire au coin du feu, ou encore les scènes dans les montagnes enneigées.
A propos de paysages, Tarantino ne lésine pas sur les couchers de soleil et les décors plus enchanteurs les uns que les autres, digne d’une agence de voyage, c’est presque trop et ça ne dessert pas forcément très bien le film.
Christopher Waltz, révélation de Inglorious Basterd, explose littéralement dans son habit de tueur à gages fin et cultivé, maniant les langues avec une dextérité proprement délicieuse, jouant de la gachette comme il boirait une tasse de thé, retournant les situations avec habilité et burlesque, nous offrant un personnage haut en couleurs qui semble faire quelque peu de l’ombre au héros, Django, interprété par un Jamie Foxx qui essaye de combiner sobriété, regard noir et charismatique supposé dévoiler son passé douloureux d’esclave séparé de son épouse, de sa Broomhilda, de manière pas forcément réussie. (Cela dit, estimons nous heureux, nous avons échappé de justesse à Will Smith pour interpréter le rôle…)
Dès le premier tiers du film, la mission du Docteur King Shültz, présentée comme fil conducteur de l’histoire, se règle à la va-vite, et laisse le spectateur complètement perplexe face à la suite des évènements.
Les dialogues, à l’impact efficace et jouissif, nous prouvent une fois de plus que Tarantino est un réalisateur à la plume aiguisée et talentueuse et qu’il étoffe ses personnages comme rares savent le faire. La scène grandguignolesque mettant en scène les ancêtres du Kux Kux Klan , rappelant quelques peu les Monty Python, est une vraie réussite, j’en ai encore les côtes douloureuses.
Et la musique. La musique. La musique. Un puits hétéroclite passant du Rick Ross à du James Brown, faisant un petit détour par Ennio Morricone, sans oublier la large part des compositions originales. Malheureusement placées sans surprise, avec une précision horlogesque, une organisation un petit peu décevante.
Leonardo Di Caprio, auprès de qui les critiques se sont littéralement encensés, lui décernant d’avance l’Oscar du Meilleur Acteur après lequel il court en vain depuis des années, est la vraie déception de Django. S’appuyant ses acquis, Léo nous livre un jeu fade, à peine à sa mesure, relevé par deux petites crises de colère naïvement servies au spectateur.
La deuxième lourde déception se situe dans un final explosif (pas nécessairement dans le bon sens du terme) où Tarantino détruit consciencieusement tout ce qu’il a construit précédemment, brutalement, comme si, après avoir érigé un gâteau immaculé de sucre glace et patiemment zébré d’ornements pâtissiers, il explosait son dessert sur le sol et sautait à pieds joints dessus au moment venu de le servir aux spectateurs. Je reste figée sur ma faim par ce qu’il me semble être un choix artistique et scénaristique teinté d’une certaine absurdité enfantine.
En conclusion, Django Unchained (nominé dans 5 catégories aux Oscars) est un très bon petit film, drôle, honnête, insolent, un véritable plaisir, empreint d’une forte personnalité, et à la patte reconnaissable d’un réalisateur unique en son genre, et ainsi je vais contre les haters du oh combien mainstream Quentin Tarantino. Non, ce n’est pas son meilleur film, oui il est facile par certains d’aspects et il semblerait que notre cher Quentin se repose par moments un petit peu trop sur ses lauriers, MAIS il serait complètement malhonnête de nier toute l’innovation, sa volonté palpable d’aller à contre-courant et sa terrible et heureuse ambition toujours présente. C’est une explosion pour les sens, la combinaison du plaisir et de la qualité. Le burger d’un grand restaurant. Dois-je vous rappeler que le Cinéma est le seul art populaire qui a réussi ? Tarantino est dénudé de prétention, à l’inverse de nombre de réalisateurs à l’ego surdimensionné, ne citons personne, à mille lieux de tout contact avec le spectateur, cherchant principalement à défendre leur reconnaissance en tant qu’artiste plein de profondeur. Tarantino défend les minorités, il est profondément féministe et tolérant, et brise les règles. Tarantino est l’enfant perdu puis acclamé, du Septième Art. Et vous auriez tord de vous priver.