CINÉMA

The Amazing Dark Knight Rises

Après un second volet qui avait mis tout le monde d’accord (The Dark Knight) et un thriller dantesque et renversant (Inception dont il reprend quasiment le même casting dans The Dark Knight Rises mis à part DiCaprio), Christopher Nolan boucle sa trilogie Batman avec un troisième et ultime volet déclenchant tous les fantasmes inavoués.

Après un prologue de haute voltige plutôt spectaculaire et ce, dans l’unique but de nous en mettre pleins les yeux –mission accomplie-, le rythme se fait lent dans la première demi-heure qui s’avère assez poussive. La mise en place de l’intrigue, la transition avec les volets précédents ainsi que la présentation des nouveaux protagonistes, de leurs rôles et leurs motivations sont lourdes et confuses.Le scénario, à nouveau coécrit avec la complicité de son frère Jonathan, semble en effet avoir souffert des interventions des exécutifs pour faire tenir le film en moins de trois heures. On reprochera notamment le manque de profondeur dans le développement des personnages secondaires, les dialogues pompeux et le manque d’originalité de certaines scènes –on est dans un blockbuster américain, mais tout de même !-.

En comparaison, The Dark Knight était plus clair dans ses enjeux et ses objectifs, puisque directement centré sur l’opposition entre l’ordre et le chaos et la place de Batman entre ces deux pôles magnétiques. Ici en revanche, on a l’impression que les frères Nolan se mêlent parfois les pinceaux, par trop d’ambition probablement. Ainsi, aucun sujet n’a vraiment été exploité en profondeur, pourtant il y avait de la matière ! Que ce soit la vengeance de la League of Shadow, le nettoyage par la violence, le combat contre le capitalisme ou encore la notion que la fin justifie les moyens.

La multitude des personnages trouve toutefois un équilibre choral où le sort de chacun paraît lié à celui d’autres habitants de Gotham. Nolan se paie même le luxe de ne pas faire apparaître le Caped Crusader avant une bonne heure de film, privilégiant le développement de l’histoire de ses protagonistes. Bruce Wayne entre donc l’écran, campé par un Christian Bale impeccable encore plus intense que dans The Dark Knight –décidément à chaque volet, il atteint des sommets-. A ses côtés, le vétéran Gary Oldman et le jeune Joseph Gordon-Levitt continuent d’impressionner par la richesse de leurs jeux dans des rôles pourtant classiques de fidèles lieutenants. Autre vétéran, Michael Caine continue d’être aussi discret que bon et s’affirme à chaque métrage comme un fidèle abonné aux épilogues de la filmographie de son ami Christopher. Face à cette équipe de loyaux acolytes, Tom Hardy livre une prestation bestiale, captivante et assez fascinante bien que celui-ci souffre inévitablement de la comparaison avec l’inoubliable performance du défunt Heath Ledger en Joker. La difficulté de Tom Hardy a été d’autant plus accentuée par ce masque buccal qui dissimule une bonne partie de son visage. Côté féminin par contre, le film nous a réservé plus de mauvaises surprises. Par exemple, le choix d’Anne Hathaway pour incarner Selina Kyle (aka Catwoman) nous a plutôt laissé sceptiques. De même, Marion Cotillard, pourtant si incandescente dans le dernier Audiard, rate complètement sa performance ici. La française oscarisée campe une Miranda Tate sans saveur et peu convaincante autant sur le plan de l’évolution de son personnage que de sa relation avec Bruce Wayne. On n’oubliera pas non plus si tôt le ridicule de son évanouissement au moment du twist ending, que la salle a d’ailleurs souligné en éclatant de rire, mais ça, c’est une autre histoire. Du twist, en parlons-en justement. Entre le déjà-vu et le cliché extrême du héros qui emporte avec lui la bombe et l’évidence des deux surprises majeures du film à savoir l’identité de Robin et celui de la maléfique Talia ; décidément on en attendait plus de la part Nolan.

Cependant, si nous sommes aussi sévères avec lui, c’est aussi parce que nous reconnaissons son génie. Oui, on aura beau à dire ce que l’on voudra à propos de The Dark Knight Rises, il est difficile de nier la force et l’efficacité que l’on connaît tant à Nolan, cette montée en puissance indescriptible jusqu’à un final euphorisant bien que peu original, le tout majestueusement accompagné du thème du Chevalier Noir de Hans Zimmer. Également, les thématiques qui lui sont chères sont brillamment traitées telles que la quête personnelle, le pouvoir, la paranoïa, les déséquilibres économiques et sociaux de la société ou encore la notion de sacrifice. Bien que Nolan se soit trop appliqué à respecter les codes et exigences hollywoodiennes, ses choix en termes d’effets spéciaux lors des scènes d’actions sont toujours aussi époustouflants de puissance que de réalisme.

Mais revenons au noyau du film : Qu’est ce qu’un héros ? Et c’est là que l’on aperçoit le virtuose qu’est en Nolan. La dernière partie du film sera un parfait exemple pour le démontrer : il faut ne pas avoir de filet de sécurité lorsque l’on saute afin de se transcender. Le dévouement doit être total. Et puis, à l’image du message adressé à Gordon, être un héros provient de la plus petite des actions à la plus grande. Et il est clairement impossible de le faire continuellement en tant que Batman car s’imposant uniquement sur les actions de grande échelle : la condition du héros devient surhumaine. Et, comme Alfred le fais comprendre au final à Bruce, on ne peut vivre continuellement comme ça si ce n’est au détriment de sa propre vie.

Nolan est grand. Il nous livre une réflexion encore jamais vue sur la condition du héros. Mais pas seulement : analyse de ce que représente un soulèvement, constat sans appel sur le monde moderne. Rarement un blockbuster aura été aussi dense. Au final, plus imposant, plus massif et plus lourd, The Dark Knight Rises aura eu le devoir de clore la trilogie noire et parfaire la vision réaliste et contemporaine que Nolan porte sur l’univers de Batman. La trilogie aura bien plus été qu’une énième adaptation des aventures épiques de Batman puisque jamais Bruce Wayne n’aura été aussi humain et faillible. Rarement les héros ont eu autant de profondeur, rarement l’identification et l’empathie sur le spectateur auront si bien fonctionné.

Malgré une comparaison inévitable avec le précédent volet qui fait désormais figure de référence absolue en matière de film de super-héros et quelques incohérences scénaristiques globales dans ce troisième volet, Nolan est grand. Et tout comme Batman, le fait de posséder quelques faiblesses ne l’empêchera pas de porter la cape du héros, bien au contraire.

"Ethique est esthétique." Paul Vecchiali

You may also like

More in CINÉMA