Après J’ai tué ma mère et Les amours imaginaires, Xavier Dolan, le jeune cinéaste québécois, va plus loin dans ses thématiques en abordant la question de la transexualité avec Laurence Anyways. Il pose cela dans le film d’abord comme une histoire d’amour impossible ; Fred et Laurence sont amoureux et vivent une histoire passionnelle, seulement Laurence veut et a toujours souhaité être une femme. Souhait qu’il a longuement tu, jusqu’à l’aube de ses 30 ans, où il décide de s’affirmer en tant que femme et donc de se révéler à la société.
Le couple doit alors se munir de force et de courage : l’un pour affronter les regards, les critiques et l’exclusion d’une société à qui l’exposition de cette transformation dérange plus que la transformation elle même. L’autre pour continuer à trouver en la personne qu’elle aime, les raisons de son amour malgré le bouleversement. Ce n’est pas uniquement la question de la transexualité ici, mais la faculté d’un couple à continuer, à se battre pour un amour envers et contre tout. Ce qui est fort et en même temps tangible dans l’histoire de ce couple c’est la volonté de Laurence que Fred accompagne dans sa démarche. Cela peut paraître fou, et cruel, mais ce n’est qu’un espoir, que leur amour soit plus fort que le bouleversement homme-femme, que la question du sexe ne se pose plus. Dans la bataille que livre ce couple, Xavier Dolan cherche à brouiller la notion d’anormal, si normalité il y a, car finalement lequel est le plus anormal ? L’homme qui se veut femme ou la femme qui achète une perruque à son homme ?
Le fait que le film s’étende sur dix ans de la vie des personnages, permet de voir l’impact de la transformation de Laurence sur lui mais aussi son entourage. C’est en cela que la place de la mère est très intéressante, celle qui au début avait beaucoup de mal avec cette idée va évoluer en même temps que son fils pour se transformer et s’épanouir. Allant jusqu’à reconsidérer la relation qu’elle avait avec Laurence, et le voir comme sa fille alors qu’elle n’arrivait pas à le considérer comme son fils. Tandis que Fred au fur et à mesure de cette transformation se perd, cela entraine leur couple, car elle se rend compte qu’en dépit de l’amour qu’elle a pour Laurence elle ne réussira pas à aller au-delà du changement en femme de celui-ci. Elle étouffe, a besoin d’autre chose, de plus simple;elle court au mariage mais se rend compte qu’elle n’a pas la force de rester avec Laurenc e ; néanmoins il lui manquera toujours quelque chose de cette passion qu’elle a pu partager avec lui. Cette fataliste relation gagne en force grâce à la performance des acteurs, Suzanne Clément dans le rôle de Fred qui est tout juste jubilatoire à en rendre Melvil Poupaud presque discret, bien qu’il interprète Laurence avec beaucoup de sensibilité.
Le jeune réalisateur exprime tout cela avec une grande mixité, sur le plan de l’image mais également au niveau des genres de scènes. Certaines se voudront tape à l’œil, voire kitsh, d’autres avec une recherche esthétique, ou encore d’autres plus sobres. Ceci en mariant des scènes s’inspirant de genres de film divers. Cependant avec tout ce mélange il garde un traitement intimiste de la transexualité, malgré ses extravagances et c’est ça aussi le grand talent de Dolan, sa faculté de ne pas faire un cinéma mais du cinéma.